Devenir veuf, comment revivre après la mort ?

Être veuf, c'est réorganiser progressivement son existence tout en lui trouvant une nouvelle signification.

14 JUIN 2016 · Lecture : min.
Devenir veuf, comment revivre après la mort ?

Suicide, accident de voiture, ou encore arrêt cardiaque, le conjoint ne voit pas toujours venir la mort de sa moitié et n'a donc pas pu s'y préparer. Mais même préparé, on se sent toujours un peu protégé de la mort, surtout quand celle-ci survient jeune. Et pourtant la mort ne préserve personne et laisse les veufs sidérés. Il est impossible de mesure la souffrance endurée par la perte d'un conjoint, et l'esprit ne l'accepte d'ailleurs que progressivement.

Que ce soit avant ou après la retraite, le veuvage est un moment lourd et difficile pour ceux qui ont eu à le vivre. Il faut faire face à une disparition d'une part, et à un repli sur soi et de nouvelles relations privilégiées d'autre part. Et malgré ce que que l'on pourrait croire, le décès d'un conjoint ne signifie pas la fin du lien conjugal...

Le veuvage est le fait de perdre son conjoint, mais voyons plus précisément comment se déroule ce moment difficile où il faut trouver, avec le temps, une bonne distance avec le défunt. Comment faire face à la disparition d'un conjoint ? Quels mécanismes se mettent en place ? Et un décès marque-t-il la fin du lien conjugal ?

Dépasser la disparition du conjoint

Un travail de deuil est inévitable, cela passe par la sidération, le déni, la révolte, et la dépression avec ses altérations somatiques, intellectuelles et affectives. Suite à un décès, nous parlerons d'évolutions de réactions comme un sentiment d'injustice, de révolte et parfois un ressenti d'abandon de la part du conjoint. La perte d'un conjoint peut entraîner une perte du sentiment de sécurité, une perte de signification de l'existence et la disparition d'une certaine routine. Tout ce qui allait de soi n'est plus, et une grande solitude s'installe, notamment à des heures spécifiques de la journée ou à des occasions spéciales (les repas, un moment devant le poste de télévision, ou les anniversaires et les repas de famille). En réalité, ce sont tous les moments forts de la vie conjugale qui rappellent cette solitude pesante.

Comment surmonter alors cette séparation ? Au-delà du travail de deuil, il faut réorganiser son existence après un décès. La personne va pour cela rechercher un sens à cet événement tragique et à sa situation de survivant, ce qui permet de limiter la souffrance. Dans certains cas, un mécanisme de consolation se met en place, on se dit que la mort du défunt était préférable à sa survie (handicap, plus de souffrance, etc.), et parfois même la personne se retourne sur son existence pour se dire qu'au moins elle avait réussi sa vie conjugale. D'autres préfèrent voir le veuvage comme une épreuve à surmonter, une étape qu'il faut accepter et dont ils souhaitent prendre le dessus.

Pour surmonter cette souffrance, la personne doit trouver de nouvelles occupations ou de nouveaux investissements et avoir le soutien de ses proches.

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Un moment de transition

Dans ces difficultés, le soutien des proches est indispensable. Les enfants, la famille, les voisins sont autant de personnes qui sont présentes dans ces moments-là. La personne aidée va choisir alors de saisir ou non l'aide qu'on lui apporte pour réorganiser son existence et redonner un sens à sa vie. Pour venir en aide à une personne en deuil, on peut le faire de deux manières distinctes, par l'encouragement et la sollicitation.

Pour éviter que la personne se replie ou tombe en dépression, on va alors encourager la personne à sortir de chez elle pour faire de nouvelles activités. Faire des excursions, retrouver des amis de jeunesse, aller dîner chez ses enfants, trouver de nouvelles activités permet de se sortir de cette spirale.

Mais la sollicitation est aussi importante, on peut demander à la personne endeuillée de l'aide ou de rendre un service. On peut ainsi lui proposer de garder ses enfants pour un après-midi, d'aider une personne à faire des travaux dans sa maison, d'être bénévole dans une association... Cela permet à la personne d'avoir une occupation, mais aussi d'avoir le sentiment d'être utile et que son existence a un sens aux yeux des autres.

Une baisse de sociabilité dans ces moments-ci s'explique généralement par une baisse des sorties, une disparition de certaines relations sociales avec des couples d'amis ou la belle-famille. En effet, la disparition du couple se révèle aussi menaçante pour les amitiés de couples, car les amitiés pouvaient reposer sur le conjoint et le fait d'interagir sur des bases nouvelles. Oui, les amis ne savent pas toujours comment se comporter dans ce genre de cas, parler de la mort ou ne pas en parler, être gêné et ne pas vouloir déranger ce couple, ou encore ne pas vouloir se confronter à l'image du bonheur conjugal des autres car cela ravive le bonheur disparu pour l'endeuillé.

La mort comme fin d'un lien conjugal ?

Non, le décès ne signifie pas la disparition du défunt. Un échange symbolique a lieu entre le mort et le vivant, et la mort ne marque donc pas toujours la fin de la vie conjugale. La mémoire conjugale va alors se mettre en place pour que la personne instaure un nouveau rapport avec le défunt.

La mémoire du disparu prend forme au travers de souvenirs, de rituels dans la famille. Cela peut être des situations particulières qui rappellent un moment de la vie conjugale, et les souvenirs resurgissent alors. Le conjoint est tellement ancré dans la vie quotidienne que la présence du défunt peut s'instaurer comme des hallucinations (visuelles ou auditives) qui peuvent perdurer un moment après la mort. On retrouve aussi cette mémoire avec des objets (fauteuil, lunettes, photos de vacances, etc.), on appelle cela "la mémoire des choses", ou avec des lieux (le garage, un restaurant, le cimetière, etc.).

En parallèle, cette mémoire se transmet aussi par la parole. On se remémore des bons moments passés ensemble avec les enfants et/ou les amis, on imagine ce qu'aurait dit ou fait le conjoint dans un cas particulier, on se rappelle des anecdotes. Mais il faut savoir que certains préfèrent ne pas en parler, et vont choisir la stratégie du silence.

Enfin, le souvenir reste via des rituels commémoratifs (le jour des morts, des messes, un pèlerinage vers des lieux visités ensemble, etc.). Toutes ces pratiques permettent d'instaurer un nouveau rapport au mort.

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Adopter une bonne distance avec le défunt

Pour certains, le souvenir apaise, pour d'autres, il accable, cette différence tient au contrôle des flux de souvenirs pour ne pas se laisser submerger par l'émotion. Pour commencer le processus de mise à distance du mort, il faut faire un travail de mémoire. Il faut commencer par reconstruire le passé, le maîtriser tout en le distinguant du présent et en canalisant sa dimension affective. D'un autre côté, une sélection s'opère pour plonger une partie de son passé dans l'oubli. Une juste mise à distance est possible par le mental et par la manipulation d'objets de mémoire.

La question des affaires personnelles du défunt se pose alors, deux attitudes restent possibles dans ce cas, s'en débarrasser ou les conserver. Certains ne vont pas pouvoir s'en détacher, tandis que d'autres recherchent une solution radicale pour passer à autre chose et mettre à distance le mort, en refusant de vivre dans le souvenir. D'autres encore vont choisir de se débarrasser de la plupart des affaires personnelles en les donnant (association, proches, etc.) mais vont cependant en conserver certaines. Il est souvent compliqué et impensable de jeter des affaires, les endeuillés préféreront donner. Les objets sont chargés d'émotions et même après quelques années, ils demeurent encore des choses qui réveilleront une part affective de la mémoire.

Ainsi, si au moment du deuil l'existence ne semble plus avoir de sens pour l'endeuillé, que le monde semble s'effondrer, il reste le défi de réorganiser sa vie peu à peu en trouvant de nouveaux centres d'intérêt, des activités nouvelles, tout en construisant de nouvelles relations qui occupent une place importante dans sa vie. Il ne faut pas se contenter de survivre en restant plongé dans les souvenirs, mais bien de donner une nouvelle signification à sa vie.

Photos : Shutterstock

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Commentaires 246
  • zouzou

    merci mon epouse est decedée il y a deux mois

  • domi-08

    Voilà 3 ans que mon époux est parti soudainement à l'âge de 57 ans. C'était hier et j'ai beaucoup de mal à vivre sans lui. Mais depuis peu, je lis énormément de livres concernant la vie après la mort. Je conseille ce livre "Le test" de Stéphane Allix, histoire vraie et livre qui m'a reconcilié avec la mort. Aujourd'hui, je sais qu'il veille sur moi, sur sa famille, et qu'il bien et apaisé. Je ne peux que conseiller ce genre d'ouvrage pour reprendre goût à la vie.

  • sharghar

    Dan , un article qui retrace bien les défis que posent un deuil....Une souffrance qu'il convient d'apprivoiser peu à peu pour revivre une nouvelle vie . un long parcours semé d'embûches ou rien n'est jamais joué . On n'en sort jamais indemne....

  • Nath

    Bonjour J'ai perdu mon compagnon le 22 août d'une crise cardiaque foudroyante. Il avait 51 ans et on s'adorait. Combien je comprends et compatis avec les personnes dont je fais partie à présent, les veufs et veuves. La douleur de l'absence et du manque est physique et c'est très difficile. J'aurais besoin que l'on me conseille un groupe de parole sur la région nord de Bordeaux Merci

  • Pat

    Bonjour, J ai perdu mon mari d’un cancer foudroyant a l âge de 51 ans. Il n’a même pas eu le temps de se battre puisqu’il qu il parti en un mois. Les souffrances qu il a vécu ont été terrible, beaucoup de traumatismes aussi de mon côté. Nous nous aimons tellement, tous les jours il me disait qu il m’aimait. Nous étions extrêmement fusionnel ! Je suis au fond d’un gouffre terrible, ça fait deux mois que je ne suis plus rien. Le monde n existe plus, je sais que je m’en remettrai jamais c’était toute ma vie! Je m’isole, je ne veux voir personne à part mes enfants. La douleur est si profonde et intense que j’espère partir rapidement pour le rejoindre.

  • Emma

    Bonjour, je viens de perdre mon mari d'une crise cardiaque, il y a presque 2 mois, j'ai 51 ans, nous venions de nous marier en janvier 2023... Je suis entourée mais terriblement seule tant je pense que les autres ne peuvent imaginer ma douleur. Ils/elles sont "proactifs", me propose des idées d'activités pour la rentrée , de sorties , ils m'ont même fait partie cette semaine en "vacances" avec famille et amis, mais c'est trop tôt pour moi ! Je suis à l'agonie et mon entourage est malheureusement complètement à côté de la plaque. Comment leur faire comprendre que j'ai besoin de temps...??

  • Cricri

    J’ai perdu mon mari d’un cancer il m’a laissé seule moi aussi qui suis malade j’ai aussi un cancer c’est au moment ou on aurait pu être heureux que tout ça nous est tombé sur la tête la fin du monde et je pèse mes mots je ne suis pas soutenue par mes enfants surtout ma fille depuis le décès de mon époux je n’ai jamais été invitée à venir manger chez eux je ne suis bonne qu’à garder les enfants quand ils sont de sortie ça c’est mon fils ,je suis là bouche trou , j’ai donné de l’argent à mes enfants quand j’en avait et me voilà démunie sans un sou de côté je vis au jour le jour et j’ai peur je n’ai pas d’amies personne plus de famille à part une sœur très riche dont le mari a réussi je suis un peu jalouse moi qui n’ai rien et ses enfants l’entourent et l’aiment comme j’aurai aimé être aimée

  • Raymilot

    C'est différent à chaque personne, mais très difficile à vivre, même le temps pour la plupart n aide pas....il faut surtout se bouger ( physiquement et moralement)...j'ai eu le malheur de perdre ma moitié suite à un cancer foudroyant, et ns devions fêter nos 50 ans de vie commune quelques mois après, le reste du chemin ne sera plus jamais le même, personne ne remplace celui qui part pour toujours ,cordialement

  • Robi

    Ce n'est pas si facile.... Désolée

  • Patrice66

    Bonjour L’un de vous a écrit après 70 ans c est normal de tte veuf Non je ne suis pas d accord ´ J ai 78 ans j ai soigné mon épouse autant que je l’ ai pu. Nous étions mariés depuis 42 ans et elle est parité d un cancer Nous étions fusionnel elle etait d une élégance rare pleine d amour pour les autres Au fil du temps l amour se consolide de plus en plus et c est horrible de se retrouver seul même à 78 ans Je vais au cimetière presque tous les jours et souvent je pleure son absence Il n y a pas d âge pour pleurer le départ de son conjoint que l on a profondément aimé


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