La théorie des cuillères

Nous disposons tous d'un stock plus ou moins grand de cuillères chaque jour, et les actions que l'on va accomplir vont en coûter un certain nombre.

27 NOV. 2018 · Lecture : min.
La théorie des cuillères

Les maladies chroniques s'accompagnent toujours d'une fatigue chronique, et il peut être bien complexe pour les personnes en bonne santé de comprendre à quel point les activités quotidiennes peuvent être énergivores.

La théorie des cuillères est une façon simple pour comprendre à quel point puiser dans ses ressources peut être complexe, et aide à ne plus faire culpabiliser les personnes malades en pensant qu'elles ne font aucun effort. Elle est aussi une façon d'apprendre à mieux gérer ses ressources en énergie, en comprenant ce qui coûte le plus de cuillères. 

Christine Miserandino, qui souffre de Lupus, a mis au point cette théorie pour faire comprendre simplement son quotidien. Pour résumer, nous disposons tous d'un stock plus ou moins grand de cuillères chaque jour, et les actions que l'on va accomplir vont en coûter un certain nombre.

La théorie des cuillères, qu'est-ce que c'est ?

Alors qu'elle mangeait avec une amie qui connaissait sa maladie, Christine Miserandino a eu la surprise de l'entendre dire "qu'est-ce que ça fait de vivre avec le Lupus et d'être malade ?"

Parler des médicaments et du suivi médical est une chose, mais comment expliquer ce que ça fait réellement d'être malade ? Christine Miserandino a alors récupéré toutes les cuillères sur les tables qui l'entouraient, les a données à son amie en lui disant : "voilà, tu as le Lupus".

La différence entre être malade et en bonne santé, c'est qu'une personne malade devra faire des choix, ou consciemment penser à des choses qui sont anodines pour le reste du monde

"Les personnes en bonne santé ont le luxe d'avoir une vie sans choix, un cadeau que la plupart prennent pour acquis." 

La majorité des gens commencent la journée avec un vaste choix de possibilités et de l'énergie pour faire plein de choses. En règle générale, on ne s'inquiète pas des effets que nos activités ont sur nous-mêmes. 

"Je lui ai demandé de compter ses cuillères. Elle m'a demandé pourquoi, et j'ai expliqué que quand on est en bonne santé, on s'attend à avoir une réserve illimitée de cuillères. Mais quand il faut planifier sa journée, il faut savoir précisément avec combien de cuillères on la commence. Ça ne garantit pas qu'on ne risque pas d'en perdre en cours de route, mais au moins ça aide à savoir d'où on part. Elle a compté 12 cuillères. A rit et a dit qu'elle en voulait plus. J'ai dit non, et j'ai compris immédiatement que ce petit jeu allait fonctionner quand elle m'a regardé avec un air déçu alors qu'on n'avait pas encore commencé. Je voulais plus de cuillères depuis des années et n'avait jamais trouvé le moyen d'en avoir plus, pourquoi elle ?"

Définir sa journée par des cuillères

Nous accomplissons chaque jour un certain nombre d'actions, qu'il s'agisse de tâches ménagères ou de loisirs. Chaque action coûte une ou plusieurs cuillères. Et si une personne saine a une réserve immense de cuillères qui lui permet de faire presque tout ce qu'elle souhaite, une personne atteinte d'une maladie chronique sera obligée de faire des choix. 

Christine Miserandino précise que se préparer le matin ne lui coûte pas qu'une cuillère : elle doit en utiliser une pour se lever et prendre ses médicaments ; avant même de se vêtir, elle a donc déjà entamé sa réserve de cuillères. Prendre sa douche lui coûte une autre cuillère, faire un shampoing et se raser les jambes deux autres, s'habiller encore une autre, tout en choisissant avec soin les vêtements qu'elle peut porter si elle a de fortes douleurs ce jour-là. Avant même de commencer sa journée, il ne lui reste plus que 6 cuillères alors qu'elle n'est même pas encore arrivée au travail.

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Une personne souffrant de fatigue chronique, associée ou non à une maladie, doit choisir avec soin ce qu'elle va faire pendant sa journée, car une fois que les cuillères ont été utilisées, elles disparaissent.

"La chose la plus difficile que j'aie eu à faire a été d'apprendre à ralentir et ne pas tout faire. [...] Alors que les autres peuvent simplement faire des choses, je dois les attaquer et les planifier comme si je préparais une bataille. C'est ça la différence entre être malade et en bonne santé. Cette magnifique aptitude à ne pas penser et à simplement faire. Cette liberté me manque. Le fait de ne pas avoir à compter ses cuillères me manque".

Qui peut l'utiliser ?

La théorie des cuillères est une excellente façon d'expliquer aux personnes en bonne santé le quotidien lorsqu'on souffre d'une invalidité ou d'une maladie, quelle qu'elle soit. C'est une façon de faire comprendre qu'une journée est constituée de choix, et que ces choix peuvent avoir un impact sur la journée et sur celles qui suivent. Elle est adaptée pour les personnes souffrant d'affections chroniques physiques (sclérose en plaque, fibromyalgie, etc.) ou mentales (dépression, phobie sociale, hypersensibilité, autisme, etc.).

Il est important de comprendre que le nombre de cuillères n'est jamais fixe : on peut en avoir plus si on est bien reposé, ou moins si on a attrapé un rhume, par exemple. De même, toutes les personnes n'auront pas la même difficulté à réaliser des actes quotidiens.

La théorie des cuillères est une bonne façon pour toute personne souffrant d'une grande fatigabilité d'expliquer les choix, le tiraillement entre le nécessaire et les envies. Il n'existe pas d'échelle détaillée expliquant combien coûte une cuillère et comment elles se récupèrent, car cela dépend complètement des personnes et du moment. 

"Nous, avec notre nombre de cuillères limité, on est tout le temps en train de choisir. Parfois, je dois choisir entre me faire à manger et travailler pendant une heure. Parfois, je dois choisir entre changer la cage de ma lapine et faire la vaisselle. Ou alors ranger ma chambre [...] ou aller voir des amis", Margot  (connue sous le pseudonyme "Vivre Avec").

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Utiliser ses cuillères avec efficacité

La théorie des cuillères permet aux personnes souffrant d'une maladie associée à la fatigue chronique de gérer leur stock d'énergie en se le représentant sous une forme concrète. Voici quelques conseils pour vos jours "avec" et vos jours "sans". 

Lorsque votre stock de cuillères est plus élevé que d'ordinaire, profitez-en pour vous préparer et anticiper les jours où il sera moins élevé : 

  • Faites les courses en plus grande quantité afin de ne pas avoir à sortir lors d'un passage plus difficile.
  • Si possible, préparez plusieurs plats et congelez-les, afin d'avoir juste à les faire cuire et de ne pas utiliser toute votre énergie pour cuisiner ; faites un stock de plats faciles à préparer (type soupe en sachet ou à réchauffer).
  • Aérez votre intérieur et nettoyez l'espace où vous vous sentez le mieux (votre chambre, votre salon...). Prenez soin d'avoir à proximité les choses qui pourraient vous faire défaut lors d'une journée difficile : une bouteille d'eau, un peu de nourriture, un livre, votre ordinateur ou téléphone avec le chargeur, etc.
  • Prenez soin de vous et préparez-vous une ou plusieurs tenues d'intérieur propre.

Lorsque vous êtes dans une journée "sans" :

  • Ne culpabilisez pas ! 
  • Dormez si vous en ressentez le besoin.
  • Si vous avez des tâches à effectuer, faites celles qui vous remontent le moral : entre faire ses impôts et écrire à un(e) ami(e), le choix est rapide.
  • Si vous n'avez pas la force de vous doucher, équipez-vous de lingettes : vous vous sentirez mieux une fois propre.
  • Avoir une routine est important, même si elle vous semble très courte. Par exemple, rincez-vous le visage avant de mettre votre tenue d'intérieur.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

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Commentaires 7
  • Sylvie

    Très bien expliqué ça me rejoins beaucoup et souvent j ai besoin d un somme d après-midi parce que j y vais trop intense Merci beaucoup pour les trucs bien des personnes ne comprenne pas notre angoisse et nos choix Bonne journée

  • Nance

    MERCI, enfin des mots sur les moments difficiles de mon quotidien. J'accepterai plus facilement le choix de faire moins d'actions parce que je n'ai pas la force ou le moral.

  • Lacath

    Ca semble être que du bon sens... mais quand on est tout le temps fatiguée, la logique peut devenir un truc totalement illogique ! Paradoxal ? C'est mon 2eme prénom depuis une série d'hemorragies cerebrales en 2016. Bon courage a tous et toutes!

  • Josée

    J'ai lu avec attention et j'ai eu les yeux plein d'eau .J'ai 65 ans et depuis l'âge de 35 ans que j'ai été diagnostiqué fibromyalgie par un spécialiste en rhumatologie. Mais j'en soufrais bien avant . D'expliquer à ma famille ,mes ami(e)s etc . Ce n'est pas facile,maintenant avec cet article je crois qu'ils vont mieux comprendre . Merci beaucoup.

  • Ange42

    Article trés interessant,il m'a fait beau oup decupalbiliser.a lire vraiment.

  • AudreyAnuk

    Bonjour, C est très bien décrit. Le fait de devoir faire des choix constamment est bien réel. La douche coûte bien au moins une cuillère. Merci

  • Launay

    Excellent article qui nous fait prendre conscience de la dure réalité du quotidien des personnes atteintes de maladie .merci

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