Le deuil du conjoint

On associe très souvent le veuvage aux personnes âgées. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

29 SEPT. 2014 · Lecture : min.
Le deuil du conjoint
Il faut savoir qu’en France, parmi les personnes veuves, 360 000 ont moins de 55 ans, soit plus d’une personne sur dix. Et il y a six fois plus de veuves que de veufs.
Qu’elle soit soudaine ou qu’elle survienne à la suite d’une longue maladie, la mort d’un être cher est toujours une infinie souffrance. On a l’impression que le monde s’écroule autour de nous.

Quand la mort atteint des couples jeunes, le conjoint survivant se trouve souvent confronté à une grande difficulté dans la mesure où il (elle) a des charges à assumer. Il faut continuer à assurer le quotidien avec les enfants, sachant que cette situation entraîne bien souvent des difficultés financières auxquelles s’ajoute une grande détresse affective.

La perte du conjoint est certainement l’expérience la plus dévastatrice que nous puissions connaître. Le sentiment de douleur frappe si fort que l’on peut avoir l’impression d’être coupé en deux. Saviez-vous d’ailleurs que Deuil et Douleur, ont la même racine étymologique ? Apprivoiser l’absence, surmonter ce vide intérieur au quotidien, cette souffrance indicible semble insurmontable. Et un jour pourtant, cette tourmente va finir par s’apaiser.

Surmonter un deuil, c’est passer par un douloureux travail intérieur : « Le travail de deuil ». C’est lui qui va permettre d’accepter la séparation et de définir un « avant » et un « après ».Le processus du travail de deuil a été mis en évidence par Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre américaine (1969) qui a décrit 5 étapes que tout personne confrontée à cette épreuve va devoir traverser.

En premier lieu, survient l’état de choc ou de sidération à l’annonce de cette nouvelle. Cette phase est d’une extrême violence. On se dit que ce n’est pas possible. Le déni de la nouvelle a pour objet de nous protéger contre son impact trop brutal. On se sent parfois comme anesthésié. C’est ce qui va nous permettre de parvenir à dépasser la violence du choc.

S’en suit un état de colère : colère contre tout et tout le monde : le médecin, l’hôpital, l’entourage, parfois le défunt lui-même.

Puis, on tente de « marchander » avec sa douleur en essayant de la mettre à distance par toutes sortes de moyens. C’est souvent la fuite dans le travail. On se jette à corps perdu dans de multiples activités avec pour seul objectif de combler le vide laissé par le défunt.

Le véritable travail de deuil commence avec la phase dépressive qui peut durer de 6 mois à un an, voire davantage. On pleure beaucoup, on manque de motivation, on a du mal à envisager l’avenir. Le fait de se heurter jour après jour à l’absence, va nous demander de repenser, réorganiser le quotidien. Il va falloir apprendre à exister seul(e), apprendre à passer du Nous au Je. On réalise à quel point notre partenaire assurait une multitude de rôles dans notre vie : l’ami(e), le (la) confident(e), le (la) partenaire sexuel(le), le père (la mère) de nos enfants et tant d’autres choses encore, propres à notre relation si singulière. Une partie de ce que l’on est aujourd’hui s’est construite avec lui (elle) et son départ entraîne une véritable crise d’identité. On a le sentiment d’être amputé d'une partie de soi-même. Ce passage, si douloureux soit-il, est une phase nécessaire pour parvenir à l'apaisement.

Même si sur le plan de la raison, on finit par accepter la réalité de la perte, il faut du temps au cœur pour que le détachement se mette peu à peu en place. Cela ne signifie en aucun cas, l’oubli de l’être aimé(e) qui nous a quitté(e) mais c’est accepter de se tourner à nouveau vers l’avenir. C’est investir son énergie dans d’autres projets et redonner du sens à sa vie. Cette phase n’est pas linéaire. Il faut s’attendre à des réactivations de la souffrance à diverses occasions. Un évènement, une circonstance particulière comme les dates anniversaires, les fêtes familiales, la naissance des petits-enfants, etc que l’on aurait aimé partager avec son défunt conjoint sont autant d’occasions de faire ré-émerger la souffrance. Cette résurgence de la douleur ne signifie pas que vous ne pourrez jamais accomplir votre travail de deuil. Elle signe simplement le fait que votre conjoint vous manque, même si vous avez réussi à reconstruire une vie sans lui (sans elle). Ce sont des rappels du lien d’amour qui vous unissait. Vous avez vécu une blessure profonde, il faut lui laisser le temps de se cicatriser progressivement.

Puis, on s’aperçoit un jour que l’évocation du conjoint disparu devient moins douloureuse. On est capable de trouver à l’intérieur de soi, des nouvelles sources d’énergie, de s’investir dans de nouveaux projets, se lancer dans de nouvelles activités, des nouvelles rencontres. Et pourquoi pas même, un jour, de s’ouvrir à une nouvelle relation amoureuse…Peut-être ressentirez-vous alors de la culpabilité à l’idée de vous autoriser à laisser une nouvelle personne pénétrer votre cœur ? Pourtant, ouvrir à nouveau la porte de son cœur ne signifie pas que votre conjoint disparu va sombrer à tout jamais dans l’oubli. On n’oublie jamais une histoire. La prochaine histoire que vous pourriez être amené(e) à vivre ressemblera de toute façon à autre chose. Rien ne pourra remplacer la relation que vous avez vécue avec votre conjoint disparu. Peut-être craindrez-vous de vous attacher à nouveau à quelqu’un de peur d’être amené(e) à souffrir à nouveau. Vous seriez alors tenté(e) de vous économiser ce risque. Mais si Aimer c’est risqué(er), c’’est surtout continuer à rester vivant.

Quoi qu’il en soit, le travail de deuil est une affaire très personnelle et varie d’un individu à l’autre. Soyez patient avec vous-même mais également avec les autres. C’est important de se laisser le temps de guérir. Il n’existe pas de « recette » pour diminuer l’intensité et la durée de la tristesse et le sentiment d’effondrement. La seule façon de réussir au mieux son travail de deuil est de vivre pleinement la souffrance et les différentes émotions qui s’y rattachent. Pleurez si vous en éprouvez le besoin. Laissez votre chagrin suivre son cours normal. Ne le bousculez pas. N’en faites pas l’économie non plus. C’est important de pouvoir parler de votre souffrance : en parler à quelqu’un capable de vous écouter sans se sentir obligé de vous donner des conseils. Dans un premier temps, vous aurez certainement recours à la famille, à vos amis pour déverser votre peine, même si parfois ils peuvent se montrer maladroits ou pas assez forts pour entendre toujours le même discours. Peut-être seront-ils tentés de vous bousculer, sans comprendre que lorsqu’on est endeuillé, il faut de longs mois avant de pouvoir passer à autre chose. Savoir écouter est parfois plus utile que répondre. Il ne faut pas hésiter à avoir recours à un professionnel si vous avez besoin d'une oreille attentive ou si vous avez le sentiment d’être bloqué dans votre travail de deuil.

  • Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

« Vivre le deuil au jour le jour » - Christophe FAURE – Albin Michel – 2012 - 303 pages – 18 €

« Quand la mort sépare un jeune couple : le veuvage précoce » - Corine GOLDEBERGER – Albin Michel – 2005 – 244 pages – 16.50 €

Site internet : www.traverserledeuil.com

Association : « Écoute deuil » : Groupes de paroles et d’entraide - Ecoute et Soutien aux personnes endeuillées.18, Rue Chenoise38000 GRENOBLE

Émission de télévision :Documentaire consacré au deuil du conjoint diffusé Samedi 18 Janvier 2014 à 15 H 20 sur France 3 Rhône-Alpes : Seuls du jour au lendemain.

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Écrit par

Patricia Cattaneo

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