Les secrets familiaux : l'importance de ce qui est caché

Qu'est ce qu'un secret famlial ? Comment arrive t-on à s'en défaire ? Découvrer l'impact des secrets familiaux et la manière dont on peut les gérer.

27 JUIN 2022 · Lecture : min.
Secret familial

La famille. Nœud central qui constitue une partie de notre personnalité dès le plus jeune âge. Nous n'y pensons pas forcément mais, une grande partie des événements que nous vivons durant l'enfance à un impact sur ce que nous sommes à l'heure actuelle. Vous en doutez ?

Nous savons tous que, sur le plan physique, nous héritons des gènes de nos parents qui ont hérités de ceux de leurs propres parents. Cependant, on néglige trop souvent l'héritage psychique, conscient et inconscient, qui se transmet également à travers les membres d'une même famille. Ainsi, un enfant se verra imprégné des traumatismes, deuils non-faits et autres secrets familiaux que détiennent ses parents. Le traumatisme vécu par un parent laisse en effet une empreinte qui restera en mémoire pour les générations suivantes. On parle alors de transmission transgénérationnelle : un héritage traumatique invisible qui nous a été transmis par un membre de la famille.

Par famille , on entend ici un groupe de personnes qui sont liées soit par des liens : de sang, conjugaux ou adoptifs. Chaque personne dans la famille est un être unique avec des traits de personnalité différents. Cependant, certaines spécificités de la personne seront liées à l'héritage familial de cette dernière. En psychologie, il existe une branche spécifique que l'on nomme approche transgénérationnelle. Cette approche a pour but d'aider à se libérer des traumas générationnels qui viennent perturber l'individu dans l'instant présent. Il est vrai que chaque individu est unique. Cependant, chacun d'entre nous fait partie d'un groupe familial, et chaque famille a une histoire.

Ne vous êtes-vous jamais posé des questions sur votre famille ou sur votre héritage familial ? Avez-vous parfois remarqué que lorsque certains sujets étaient abordés, un des membres de votre famille essayait de dévier la conversation pour ne pas en parler ?

Un secret familial, c'est quoi ?

Chaque individu possède un jardin secret : des informations dont il a connaissance, mais qu'il ne dira pas, car il n'y a aucun intérêt à les dévoiler. Cependant, il existe aussi des secrets qui proviennent d'un événement traumatique, que l'on essaye d'oublier, et que l'on pousse au plus profond de notre inconscient. Ce secret, sur le long terme, peut avoir des effets négatifs sur soi et sur les générations suivantes, tant qu'il n'est pas révélé, compris et accepté.

Le secret a, généralement, une fonction protectrice. Ce non-dit s'est développé afin que la psyché de l'individu ne soit pas fortement touchée. Faire face à ce secret serait trop dur, trop difficile à gérer. Pour préserver sa santé mentale, l'individu préfère donc se taire et repousser ce secret dans les tréfonds de sa mémoire. Garder un secret peut donner un sentiment de force et de sécurité. Force, car seul l'individu a le pouvoir de dire ou non ce qu'il s'est passé ; et sécurité, car tant que le secret n'est pas révélé, seul l'intéressé sera au courant.

Lorsqu'un secret est négatif, il est généralement relié à un sentiment de honte. Honte venue d'un événement dont l'individu n'est pas fier et qu'il/elle préférerait oublier. Cela peut aussi être lié à une difficulté à accepter une partie de sa personnalité. Ce type de secret aura tendance à cliver la personnalité de l'individu et à le faire souffrir. L'individu aura alors l'impression d'être divisé en deux : un côté lumineux et acceptable pour la société et un autre côté dont il/elle a honte et qu'il ne faut pas évoquer. Il aura donc une partie qu'il rejette totalement et auquel il ne veut pas faire face.

Lorsqu'un secret est dû à un trauma particulier, c'est la violente émotion qui ressort du trauma qui empêche la personne de pouvoir s'exprimer. L'individu se retrouve à ne pouvoir faire sortir ce mal-être et le garde en lui, en dépit des effets délétères que cela peut avoir. Dans ce cas-ci, taire le secret n'est pas une nécessité ou un besoin, mais une contrainte. Cette contrainte tend à créer des troubles chez l'individu concerné. En effet, tout ce qui est tu et ne peut être exprimé par la parole, ressort par des actions ou des rêves impossibles à contrôler. Ainsi, des comportements étranges peuvent apparaître lorsqu'une certaine action est faite, lorsqu'un certain objet est vu ou lorsqu'un mot particulier a été dit. Ces événements seront un déclencheur qui ravivera le trauma précédemment vécu sans que la personne ne puisse mettre en mot la raison pour laquelle elle agit comme cela.

Ce secret , bien que caché, peut être transmis aux générations futures. L'étrangeté d'un parent sera alors transmise à l'enfant et aux générations suivantes. Tout cela jusqu'au moment où l'un d'entre eux décidera de faire monter à la lumière le secret, libérant ainsi la famille d'un cercle vicieux. Dans ce cas-là, l'enfant d'un porteur de secret aura tendance à ne poser aucune question, comme s'ils savaient que certaines choses ne seraient jamais avouées.

Un objet peut également être porteur du secret familial. Lorsque c'est le cas, la présence de l'objet engendrera un comportement étrange de la part de l'individu qui porte le secret. Comportement que sa descendance va remarquer sans réellement le voir. La destruction de cet objet peut avoir des conséquences catastrophiques sur la descendance avec notamment l'apparition de troubles graves ou des conduites étranges avec des attitudes émotionnelles disproportionnées.

Comment se forment-ils ?

Les origines du secret sont variées et uniques à chaque individu. Cependant, comme le dit Boris Cyrulnik dans son ouvrage Un merveilleux malheur , « Tout secret donne quelque chose à voir ».

Dans la vie de tous les jours, certains événements peuvent avoir un impact négatif important chez l'individu. Cela peut être un événement qui s'est passé et dont il a honte ou bien un événement traumatisant dont il ne veut plus entendre parler. Lorsque cela arrive, la personne va alors, inconsciemment, prendre cette information et la cachée, inconsciemment, au plus profond de son psychisme ; tout cela dans le but de ne plus avoir à y faire face.

L'individu cherche alors à se protéger des effets négatifs que peut avoir ce secret. Ce dernier restera là, mais ne disparaîtra pas. Il sera même transmis à la génération suivante, une sorte d'héritage fantôme dont personne n'a réellement conscience. Dans cette seconde génération, ce secret agit comme un fantôme : on peut le sentir mais on ne le voit pas ; il est présent, sans physiquement être là. Il est donc une formation de l'inconscient, créé par un non-dit, résultant d'un événement traumatique. Cette formation se transmettra donc de l'inconscient du parent (1ère génération), à l'inconscient de l'enfant (2ème génération).

Lorsque l'on parle de fantômes familiaux, plusieurs générations sont donc impliquées. Au départ, nous avons la 1ère génération, celle qui a réellement vécu le trauma. Cette terrible expérience vient bouleverser leur psyché. Pour s'en défendre, cette génération a alors décidé, volontairement ou non, de garder ce traumatisme secret. Ensuite, vient la 2nde génération. Ici, le trauma n'a pas été vécu directement, il est juste symbolisé. Cette génération se retrouve alors confrontée à une représentation qui provoque en eux des émotions intenses et difficiles à comprendre. A cause de cela, des enfants de personnes ayant vécu un trauma, auront plus tendance à être déprimé. De l'autre côté, l'individu traumatisé, sera hypersensible à certaines situations qui lui rappelleront l'événement traumatique.

Quels sont les effets du secret ?

Pour Ancelin-Schutzenberger, psychologue spécialisée dans la thématique familiale, c'est dans la manière dont nous gérons le traumatisme, plus que le traumatisme lui-même, d'où vient le problème. Le fait d'avoir pour réflexe de dénier le traumatisme, de le cacher au plus profond de soi, et ce qui va, par la suite, engendré des effets négatifs sur le psychisme.

Les effets du secret dépendent de la génération touchée. Chez la 1ère génération, on retrouvera principalement un clivage de la personnalité ainsi qu'un déni de mémoire. Les individus de la 1ère génération auront donc tendance à dénier ce qui leur ait arrivé en cachant l'événement. L'omission de ce qui s'est passée va alors créer une séparation dans la personnalité même de l'individu. La personne touchée aura alors un côté sombre d'elle-même qu'elle cache et dont elle a honte, et un autre côté plus lumineux qu'elle laisse voir aux autres. Ce clivage est dur à supporter. En effet, cela peut amener une grande angoisse, de peur que la vérité soit découverte. Ces personnes vivent généralement avec un poids sur les épaules qu'elles ont du mal à enlever.

Les descendants, eux, resteront avec la représentation du trauma : un fantôme familial dont ils ne connaissent pas les tenant et aboutissant, mais qui pèsent sur eux. Comme expliqué précédemment, ce fantôme familial, dont l'individu concerné n'a pas conscience, aura tendance à vouloir s'exprimer, à sortir de la part inconsciente où il se trouve. Il se traduira alors par des comportements inhabituels, des angoisses incompréhensibles ou des cauchemars qui peuvent survenir lors de dates répétitives, à la vue d'un certain objet ou lorsqu'un événement particulier est discuté. L'apparition de troubles psychosomatiques est également un des effets du secret. Ces troubles sont des douleurs physiques qui ont une cause psychologique. Ainsi, des maux de tête peuvent ne pas être dus à un début de maladie mais à une cause psychique comme un non-dit familial.

Comment s'en défaire ?

La 1ère étape pour le thérapeute sera, en priorité, d'apporter son aide au patient ou à la patiente pour qu'il/elle trouve son/sa crypte afin de pouvoir nommer le fantôme qui y réside. Pouvoir mettre des mots sur un événement, qui était caché jusqu'alors, permettra de poser les premières pierres vers le chemin de la guérison. L'individu pourra ainsi faire la différence entre ce qui tient de son vécu, propre à lui-même, et ce qui tient du vécu d'un ancêtre ou proche parent. Cette différenciation est importante car elle permettra de mettre une distance entre le secret et la personne qui en souffre.

Pour trouver ce fantôme, il convient d'analyser son historique familial, mais également ses propres comportements. Un mal de tête qui n'arrive que lors d'une date spécifique, un sentiment d'angoisse qui nous étreint lorsqu'un événement datant de la guerre est évoqué (alors que vous n'étiez pas encore né), ou toute autre comportements somatiques qui vous parait étrange, seront à analyser.

Cependant, le fait de parler de son secret ne va pas forcément libérer la personne de son poids. Cela peut même en ajouter en fonction de la personne à qui ce secret a été confié. Parfois, un secret peut être trop lourd à supporter pour la personne qui le reçoit. C'est pourquoi l'aide d'un spécialiste, d'un professionnel qui sera à l'écoute, peut être importante.

Pour que le secret révélé puisse avoir un effet positif, il faut du temps. Il faut du temps pour faire tomber ses défenses, il faut du temps pour comprendre réellement ce qu'il s'est passé et pourquoi on en souffre encore aujourd'hui.

Un travail de généalogie peut également apporter une grande aide pour la compréhension de traumatismes qui hantent l'individu. Consulter des archives et connaître ses origines sont une partie importante vers la guérison du trauma générationnel.

Conclusion

Chaque personne vient d'une famille, chaque famille est imprégnée d'une histoire. Dans cette histoire, certains faits seront révélés et d'autres non. Parfois, des secrets familiaux, ou non-dits, auront tendance à créer un malaise dans la famille. Cela pourra se traduire par des comportements étranges, une anxiété soudaine, ou des douleurs qui n'ont aucune explication sur le plan physique. Dans ces cas-là, il conviendra de retracer l'histoire familiale pour comprendre ce qui a été caché. Libérer la parole est important et pouvoir communiquer sur l'héritage de sa famille se révélera toujours utile et intéressant.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Gwenael Thing-Leoh

Psychologue clinicienne spécialisée dans la psychologie interculturelle. Grâce à ma formation, je dispose d'outils que j'utilise pour vous proposer une psychothérapie adaptée qui vous permettra d'avancer et de vous épanouir pleinement.Dans ma pratique je me base sur une approche humaniste et psychanalytique.

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Bibliographie

  • Anaut, M. (2007). Transmissions et secrets de famille: entre pathologie et créativité. La revue internationale de l'éducation familiale, (2), 27-42.

  • Cyrulnik, B. (1999). Un merveilleux malheur. Odile Jacob.

  • Tisseron, S. (2002). Les ricochets du secret. Le Coq-Héron, (2), 29-35.

  • Abraham, N., Török, M. (1978). L'Ecorce et le Noyau, Aubier-Flammarion, Paris.

  • Ancelin-Schutzenberger, A. (2018). Aïe, mes aïeux!. Desclée de Brouwer

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Commentaires 2
  • Olivia

    Cet article est vraiment très intéressant et très bien rédigé. Je connaissais déjà un peu le sujet mais là, j’apprends encore plus. Je suis totalement en accord avec ce que a écrit l’auteur. Félicitations pour l’article, je recommande!

  • Coco

    Article pertinent et passionnant sur les secrets et leurs conséquences. A lire !

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