Pourquoi travaille-t-on ?

Nous travaillons pour 3 raisons fondamentales : gagner notre vie, exister socialement et faire des choses qui nous intéressent. Mais chacune de ses motivations a ses revers...

26 MARS 2019 · Lecture : min.
Pourquoi travaille-t-on ?

Pourquoi travaille-t-on ?

Selon l'article intitulé "Pourquoi travaille-t-on" paru en novembre 2012 dans le mensuel Sciences Humaines n°242 nous travaillons pour trois raisons fondamentales :

  • gagner notre vie
  • exister socialement
  • faire des choses qui nous intéressent.

Mais chacune de ces motivations a son revers, nous poussant par moment à nous engager et à d'autres moments à fuir.

Travailler pour gagner notre vie

Tout d'abord, nous travaillons pour gagner notre vie. Travailler apparaît comme une nécessité vitale. Aujourd'hui comme hier, nous devons travailler pour subvenir à nos besoin.

Deux conceptions du travail s'affrontent :

  1. Nous avons, d'un côté, la thèse défendue par Georg Hegel puis par Karl Marx qui pense que l'être humain est par nature un être de travail. L'espèce humaine se serait affranchie du monde naturel par la technique, l'outil et le travail. Le travail serait donc ce qui permet à l'humain de s'accomplir à condition toutefois de supprimer la division du travail qui mutile les individus et l'exploitation qui l'asservit. Le travail reste central dans l'existence humaine et c'est en cherchant à le maîtriser (et non à s'en échapper) que les individus peuvent se réaliser.
  2. D'un autre côté, pour la philosophe Hannah Arendt, le vrai épanouissement humain ne peut se trouver qu'hors du travail, dans la réalisation d'une « oeuvre » dont l'art est le modèle, dans l'action politique ou dans la vie de l'esprit. Une vraie vie serait possible hors du travail : c'est là que de plus en plus de personnes recherchent leur accomplissement.

Le travail peut donc être vu comme un accomplissement possible de soi ou comme un fardeau dont il faudrait se libérer pour vivre pleinement sa vie d'humain. Ce débat est théorique, mais a une traduction concrète pour des millions de gens car il renvoie à de vrais dilemmes existentiels.

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Travailler pour exister socialement

Quand nous partons au travail, nous endossons un costume social et nous partons également à la rencontre de gens.

Le travail amène un statut social et des rencontres multiples.

La perception du statut social commence tôt dans l'enfance. Ainsi, nous avons déjà une perception du prestige de certains métiers. Chaque profession trouve sa place le long d'une échelle de prestige, mais le prestige ne se mesure pas sur une échelle unique. Chaque groupe professionnel se forge une image de soi plus ou moins valorisante.

Tenir son rang dans la société est donc une motivation centrale pour les animaux sociaux que nous sommes.

Les aspirations sociales s'expriment également sous une autre forme car sur le lieu de travail se nouent des relations. La sociabilité au travail répond à ce que les psychologues sociaux nomment un « besoin d'appartenance ». Ce dernier est cependant à double tranchant puisque le lieu de travail est le lieu des sympathies et des antipathies où l'amitié et la haine se côtoient.

Le travail brise l'isolement. L'importance fondamentale de cette existence sociale se mesure le plus clairement lorsque nous la perdons. Les études de sociologie clinique montrent combien les chômeurs souffrent d'une « perte d'identité ». De même, certains retraités se lancent dans des activités bénévoles. A la volonté d'être utile et au désir d'aider l'autre s'ajoute un bénéfice personnel : continuer à « être quelqu'un ». C'est ce que procure également un travail.

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Travailler pour le plaisir

« Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. ». Cette citation de Confucius (extraite du Livre des Sentences) bat en brèche quelques idées reçues sur le travail d'antan. (l'idée que le choix du métier est une invention moderne et qu'autrefois on était toujours assigné à une tâche en fonction de sa naissance et l'idée qui voit le travail antique comme une damnation pour tous ceux qui ne sont pas des oisif)

Cette citation contient la vision d'une double face du travail : il peut être plaisant ou vécu comme un enfer selon qu'il correspond ou non à nos aspirations profondes.

Travailler, ce n'est pas seulement chercher à gagner sa vie, détenir un statut, rencontrer des gens c'est aussi effectuer certaines activités pouvant être attrayantes en soi.

Le plaisir que procure une activité en soi relève de ce que les psychologues appellent une motivation intrinsèque (qui se distingue de la motivation extrinsèque liée aux récompenses indirectes : salaires, statut, reconnaissance, etc...).

Il n'y a pas que les métiers créatifs (architecte ou publicitaire), intellectuels (journaliste ou chercheur), prestigieux (avocat ou chirurgien), nobles (tailleur de pierre) qui suscitent des passions. Une multitude d'activités sont attractives en soi parce qu'elles comportent des épreuves, des défis, des problèmes à résoudre, des moments d'attention où l'on oublie tout le reste.

Cependant, certaines professions sont plus attractives que d'autres : nous imaginons bien que restaurer des tableaux anciens est plus gratifiant qu'être rivé à un poste téléphonique dans un call center.

De plus, les plaisirs et les peines au travail ont changé de nature en un demi-siècle. En effet, la sociologie du travail du xxème siècle avait dénoncé les aspects mutilants, déshumanisants et abrutissants du travail à la chaîne (taylorisme et fordisme). Aujourd'hui, ce sont la pénibilité psychologique, le stress, le burn-out qui sont dénoncés comme les nouvelles formes de pénibilité du travail.

Pour conclure, ces trois raisons de travailler (pour gagner notre vie, pour exister socialement et pour le plaisir) ont chacune son envers.

Nous cherchons aussi à nous détourner du travail parce que nous ne gagnons pas assez, que nous ne sommes pas suffisamment reconnu, que nous n'aimons pas les gens avec qui nous travaillons, que nous nous lassons de certaines tâches, etc.

L'engagement dans le travail va ainsi susciter une multitude de variations individuelles.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Sophie Denoyer

Psychologue diplômée des Universités Paris 7 et Paris 13, mes références sont la psychanalyse et la psychologie sociale. Installée en libérale depuis 2012, je propose des consultations à distance : par téléphone et par vidéoconférence. Ainsi, soucieuse de rendre accessible le suivi psychologique à tous, je pratique la téléconsultation.

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