Attachement et angoisse de séparation : Comment les expériences du nourrisson impactent notre vie adulte

Qu'est-ce qui détermine notre comportement social et notre vision du monde ? Nos expériences personnelles, très certainement. Cependant, une grande partie de notre personnalitré se détermine dès notre vie de nourrisson.

28 NOV. 2022 · Lecture : min.
Attachement et angoisse de séparation : Comment les expériences du nourrisson impactent notre vie adulte

Dans notre vie d'adulte, on a tendance à oublier que, le comportement que l'on va avoir envers notre environnement, dépend de la relation que l'on a pu avoir avec la personne qui s'est occupée de nous lorsque nous étions enfant. Vous en doutez ? Il est vrai que chacun forme son identité, sa manière d'être , en fonction des expériences qu'il/elle a vécu tout au long de sa vie. Cependant, certaines caractéristiques de notre personnalité, celles profondément ancrés en nous, proviennent indéniablement de notre vie de bébé. Sans que nous nous en rendions vraiment compte, la manière dont nous allons gérer et voir notre environnement commence à se créer dès les premiers mois de vie. Cette expérience de nourrisson va ensuite continuer à se former et évoluer tout au long de notre vie. Deux facteurs jouent un rôle crucial dans le développement psychique de notre vie d'adulte : le style d'attachement expérimenté pendant l'enfance et la manière dont nous avons pu vivre la séparation d'avec notre premier objet d'amour. Nous verrons dans cet article qu'attachement et séparation sont liés et vont déterminer une partie du comportement que nous avons face à notre environnement depuis notre plus tendre enfance jusqu'à l'âge adulte.

  • I) Le point de vue de John Bowlby : Origine de la théorie de l'attachement

En ce qui concerne la théorie de l'attachement, tout a commencé avec John Bowlby. Ce psychologue et psychiatre, après un travail de recherche, a déclaré que les bases de nos interactions avec notre environnement à l'âge adulte, auraient pour racine le type de relations que l'on expérimente pendant l'enfance. Pour lui, tout découle de ce qu'il nomme « l'attachement ». Ce terme désigne le lien qui s'élabore entre le bébé et l'individu qui prend soin de lui (que l'on désigne comme une « figure d'attachement ») via les interactions de l'un avec l'autre. L'attachement dépendra du temps, de la disponibilité et de la qualité des soins prodigués par la figure d'attachement.

Au départ, pour communiquer avec le monde qui l'entoure, le nourrisson va avoir recours aux pleurs, aux sourires, ou chercher à s'agripper comme comportements de signalisation, car il n'a pas encore l'usage du langage. En fonction de la manière dont va réagir la figure d'attachement face à ses réactions, ce dernier aura tendance à développer, ou non, une base de sécurité sur laquelle il se reposera pour explorer le monde. Un attachement sain permettra au nourrisson d'être rassuré quant à son environnement. Ce lien d'attachement permettra au bébé de développer sa construction sociale et psychique. Si le lien est sain, les interactions qu'il aura avec son environnement seront positives.

Dans le cas contraire, l'enfant aura tendance à avoir une vision négative de ce qui l'entoure, ce qui pourrait avoir des effets défavorables sur ses liens avec les autres et son développement psychique (angoisse, pessimisme, peurs inexpliquées). Bowlby se rend également compte que toue séparation, à court terme, entre la figure d'attachement et le bébé va engendrer une angoisse chez ce dernier. Cette angoisse se divisera généralement en trois étapes :

  • 1.La protestation : Le nourrisson va se mettre à pleurer pour montrer son mécontentement lorsque la figure d'attachement essaye de partir. Il va également s'accrocher à elle pour lui faire comprendre qu'il a besoin qu'elle reste avec lui.
  • 2.Le désespoir : Pendant cette étape, tout type de protestation commence peu à peu à s'estomper. Il semble que le bébé commence à se désintéresser de la situation dans laquelle il se trouve.
  • 3.Le détachement : Si la figure d'attachement persiste à ne pas revenir, l'enfant va alors commencer à s'intéresser aux autres personnes qui sont dans son entourage. De plus, il peut avoir des réactions colériques et rejeter la figure d'attachement quand elle revient.
  • II) L'apport de Mary Ainsworth : Les styles d'attachement

Quelques années après les recherches de Bowlby, Mary Ainsworth, psychologue du développement va approfondir cette notion d'attachement en différenciant 3 types qui correspondent aux différentes manières dont va réagir le bébé en fonction de l'attention qu'on lui procure. En fonction du type d'attachement, l'enfant aura un développement psychique et social particulier qui impactera directement sa vie d'adulte.

  • A) L'attachement sécure

On parle d'attachement sécure lorsque la figure d'attachement va réagir de façon cohérente et approprié aux demandes du nourrisson. Ce comportement va rassurer l'enfant, lui permettant ainsi de voir la figure d'attachement comme une figure rassurante et sécurisante. Cela lui permettra d'être dans de bonnes conditions pour explorer le monde. Il se sentira en sécurité car il sait qu'il peut compter sur la figure d'attachement, et sera rassuré quand il revient car il sait que la personne sera là pour l'accueillir.

  • B) L'attachement évitant

Dans le cas d'un attachement évitant, la figure d'attachement va survaloriser l'indépendance du bébé et répondre peu voir pas du tout à ses demandes. Ce manque d'échange affectif va affecter sa manière de voir le monde. Ce type de bébé aura tendance à internaliser ses émotions de peur d'entraîner des comportements indésirables de la part de la figure d'attachement. A cause de cela, le bébé aura tendance à ne montrer aucune réaction au moment du départ et du retour de la figure d'attachement.

  • C) L'attachement anxieux/ambivalent

En ce qui concerne l'attachement anxieux ou ambivalent, la figure d'attachement va réagir de manière instable et incohérente vis-à-vis des demandes de l'enfant. A cause de cela, le bébé aura tendance à être insécure et perdu, il aura l'impression que personne ne peut lui apporte de protection. Il sera constamment angoissé et cherchera le contact dès que possible. L'angoisse sera alimentée par la crainte de perdre l'amour de l'objet aimé.

  • D) L'ajout de Mary Main : l'attachement désorganisé

En plus des trois styles d'attachement décrit précédemment, Mary Main, psychologue, a ajouté un quatrième type, l'attachement désorganisé. Ce style d'attachement se caractérise par une attitude en retrait, négative, voire violente, de la part de la figure d'attachement. L'enfant, en réponse à ce comportement, va lui aussi réagir de manière violente et éprouvé une crainte vis-à-vis de l'adulte. C'est ce qu'on retrouve généralement dans les cas de maltraitance et/ou de violences conjugales.

  • III) L'angoisse de séparation et son potentiel impact à l'âge adulte

La constance de la figure d'attachement va déterminer le sentiment continu d'exister de l'enfant. En fonction de la formation ou non de ce sentiment, la séparation se fera plus ou moins simplement. Plus l'objet d'amour met du temps à revenir, plus le bébé va progressivement « oublier » l'existence de la figure d'attachement. Il aura l'impression de l'avoir perdu, sans chance de l'avoir à nouveau. Lorsque la personne revient après un temps acceptable, cela rassure l'enfant. Petit à petit, en s'habituant, il arrivera à comprendre que ce n'est pas parce que l'objet d'amour disparaît de son champ de vision qu'il va le perdre à tout jamais. En prenant conscience de cela, le nourrisson va commencer par faire la différence entre lui et l'extérieur, enclenchant ainsi le processus d'individuation. A partir de ce moment-là, il se sentira capable d'explorer le monde à son tour, il comprendra qu'il est une personne à part entière qui existe en dehors de sa figure d'attachement.

De plus, prendre conscience que la figure d'attachement répond à ses besoins lorsqu'il est en détresse va lui permettre de se dire qu'il est une personne appréciée et acceptée, qui est aimé par l'autre. En grandissant, l'enfant va percevoir son environnement comme positif ce qui facilitera les échanges sociaux. Il aura la capacité de se sentir apprécié par l'autre et arrivera à être indépendant tout en sachant qu'il recevra de l'aide s'il en a besoin.

Dans le cas contraire, si la personne ne revient que très tard ou qu'elle ne prête pas attention à l'enfant lors de son retour, ce dernier va se sentir abandonné. Il sera difficile pour lui de réinvestir cette figure d'attachement, ce qui peut entraîner chez lui une angoisse de séparation voire même, sur le long terme, de la dépression. En grandissant, l'enfant aura une vision négative du monde et des relations qui l'entourent. Il sera difficile pour lui de faire confiance aux autres et il sera constamment sur ses gardes. De plus, il aura l'impression de ne pas mériter l'amour des autres et vivra dans la peur constante du rejet.

Ce type de personnes aura tendance a recherché des relations fusionnelles par peur d'être abandonné par l'autre. L'individu aura pour but de constamment plaire à l'autre, ce qui pourra entraîner la création d'un faux self, dans une tentative de conformisme aux besoins de la personne dont il cherche l'attention. Chaque comportement et chaque parole seront calculés afin de plaire à l'objet aimé. Jalousie, angoisse d'abandon et difficultés à faire confiance seront les maîtres-mots de cette relation fusionnelle. De plus, la frustration et la colère seront des sentiments qui feront très souvent surface chez ce type de personnes. Pour sortir de ce schéma, il faudra trouver l'origine de l'angoisse d'abandon et changer la manière de pensée qui en a découlé. Un travail thérapeutique avec un professionnel pourrait être utile dans ce genre de situation.

Conclusion

La manière dont notre figure d'attachement s'occupe de nous va avoir un impact important sur notre vision du monde et les relations sociales qui en découlent. Cependant, ce n'est pas l'unique facteur, loin de là. Les expériences de vie et les rencontres que vont faire un individu vont elles aussi avoir un rôle sur notre développement psychique. L'estime que l'on a de nous-même va alors évoluer en fonction de ces nouveaux facteurs. Pour comprendre nos comportements du présent, il faut donc se pencher sur les expériences passées. En trouvant l'origine de ces comportements, il sera alors plus simple de les comprendre et donc de les changer. Ainsi, des comportements que nous avons pu adopter dès notre plus jeune âge, pourront être modifiés par la suite afin de nous être plus bénéfique. Cela permettra alors, de faire un pas de plus vers l'acceptation de soi et, a fortiori, vers l'épanouissement.

Bibliographie

Bernier, Annie; Larose, Simon; Boivin, Michel (1996). L'Entrevue sur l'Attachement à l'âge Adulte: Fondements théoriques, qualités métrologiques et champs d'application.. Canadian Psychology/Psychologie canadienne, 37(4), 229–240. doi:10.1037/h0084737

Dugravier, R., & Barbey-Mintz, A. S. (2017). Origines et concepts de la théorie de l'attachement. In L'attachement, de la dépendance à l'autonomie (pp. 17-29). Érès.

Wendland, J., Camon-Sénéchal, L., Khun-Franck, L., Maronne, C., Rabain, D., & Aidane, E. (2011). Troubles de l'angoisse de séparation et de l'attachement: un groupe thérapeutique parents-jeunes enfants. Devenir, 23(1), 7-32.

Wiart, Y. (2012). L'Attachement un instinct oublié. Albin Michel.

PUBLICITÉ

Écrit par

Gwenael Thing-Leoh

Psychologue clinicienne spécialisée dans la psychologie interculturelle. Grâce à ma formation, je dispose d'outils que j'utilise pour vous proposer une psychothérapie adaptée qui vous permettra d'avancer et de vous épanouir pleinement.Dans ma pratique je me base sur une approche humaniste et psychanalytique.

Voir profil
Laissez un commentaire

PUBLICITÉ

derniers articles sur aptitudes sociales

PUBLICITÉ