Adolescents et parents sur les réseaux sociaux : amitié rassurante ou contrôle exacerbé ?

Un sondage publié en mai 2015 révèle que plus d'un tiers des jeunes de 18 à 24 ans sont en relation avec l'un de leurs parents sur les réseaux sociaux.

Cela pose alors la question de l'amitié entre parents et enfants. En effet, si les réseaux sociaux permettent de développer notre sociabilité, la problématique des limites à ne pas dépasser subsiste. Tout d'abord, la frontière du contenu, ce sur quoi l'adolescent peut communiquer (ou pas). Il existe également la limite des relations ajoutées, avec parfois le risque de faire face à des inconnus malveillants. La problématique du format met en exergue l'enjeu de la provocation, de la nudité, de la recherche du buzz privilégiant le « direct » et le live pour susciter intérêt et convoitise auprès des « followers ». Désormais se pose également la question de la frontière familiale.

Est-ce finalement la place des parents d'être ami avec leurs enfants et notamment les adolescents sur les réseaux sociaux ?

Cette amitié virtuelle peut être perçue comme la cerise sur le gâteau dans la relation parents/enfants. Elle peut alors être considérée comme l'ultime complicité ou rien n'est caché, rien n'est tabou. Tout peut se dire et l'échange n'en est alors que plus enrichissant voire épanouissant. Dans certains cas, elle conforte également les parents, qui peuvent alors s'enorgueillir d'un lien si étroit avec leur progéniture, d'une confiance aveugle entre générations.

Pourtant, cette amitié virtuelle n'est pas dépourvue d'une certaine ambiguïté. En effet, pour certains enfants, elle est synonyme d'intrusion et est d'autant plus mal vécue qu'ils n'osent pas faire machine arrière. Ainsi, plus d'une fille sur cinq considère être espionnée par sa mère sur les réseaux sociaux. Les émotions, l'intime, les ressentis devraient selon certains être laissés dans le domaine privé de l'adolescent. Cette sphère semble parfois nécessaire à l'épanouissement de ce dernier. Mais elle permet aussi aux parents de rester à leur place et de conserver leur rôle.

Ce débat suscité par la quasi-omniprésence des réseaux sociaux dans la vie quotidienne des adolescents fait écho à la sempiternelle discussion sur le conflit parents/enfants. En effet, l'adolescence a longtemps été perçue, dans la vision classique de la psychanalyse, comme le moment charnière au cours duquel les conflits entre générations éclatent. Il s'agit alors pour l'enfant de se démarquer de ses parents, de remettre en cause leurs valeurs et leur fonctionnement pour établir ses propres règles. Le lien affectif familial est déstabilisé et distendu au profit d'une proximité croissante avec les pairs. Le conflit constitue alors un tremplin développemental pour l'adolescent. Les réseaux sociaux peuvent alors constituer un « jardin secret », qui permet au jeune d'affirmer son individualité et ses spécificités en tant qu'adulte en devenir.

Toutefois, la rupture parents-enfants ne semble plus être inéluctable. En effet, les adolescents semblent, d'après les études les plus contemporaines, rechercher une relation de type « amical » avec leurs parents (pair-like relationship). Le conflit n'est plus alors perçu comme un passage « obligé », bien au contraire. Les adolescents ayant des relations apaisées et sécuritaires avec leurs parents montrent plus précocement autonomie et maturité. Les parents ne sont plus systématiquement exclus du processus de développement émotionnel et cognitif de leurs adolescents. Ces derniers vont alors pouvoir prendre appui sur une « base » solide pour construire leur identité personnelle, et ainsi pouvoir mûrir et s'épanouir en respect de leurs propres valeurs.

Finalement, ces amitiés virtuelles ne servent-elles pas aux parents à maintenir le contrôle et l'autorité en toutes circonstances ? Ou encore, ce lien par écrans interposés ne rassure-t-il pas les parents quant à l'amour et la confiance que leur portent leurs enfants ?

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