La thérapie en ligne durant la pandémie, une bonne idée ?

Quels repères peut-on donner aux praticiens comme aux personnes souffrantes qui hésitent à y avoir recours ? Quelle est l'origine des réticences émises par les uns et les autres ?

5 NOV. 2020 · Lecture : min.
La thérapie en ligne durant la pandémie, une bonne idée ?

À l'occasion de ce second confinement, le débat est relancé chez les pratiquants de la psychothérapie, au sujet des téléconsultations. On trouve, sur les forum et réseaux sociaux, les mêmes débats viscéraux à la limite de l'empoignade, ce qui laisse à penser que ce qu'il se joue ne relève pas d'une approche empirique du sujet.

La résistance à la thérapie en ligne est-elle fondée ?

Nous allons voir comment cette résistance à la téléconsultation se base sur des peurs et à-priori que l'observation clinique ne confirme pas. L'enjeu vaut la peine qu'on s'y attarde, car il ne s'agit pas moins que de permettre aux personnes fragiles d'éviter de sentir plus mal pendant cette nouvelle période de confinement, tout en permettant aux praticiens de continuer à travailler, sans nuire à autrui.

Du côté du patient, beaucoup de peurs disqualifient le maintient d'un suivi thérapeutique en ligne. Peur de la technologie et de ses aléas, peur que l'effet thérapeutique ne marche pas, peur d'essayer quelque chose de nouveau…

À toutes ces craintes, bien compréhensibles, on peut répondre que rien ne vaut un coup d'essai pour en avoir le cœur net et se faire une opinion en connaissance de cause. Il est tout à fait possible et légitime de demander un essai gratuit à son praticien (ce ne sera pas une consultation, bien sûr, mais une conversation en ligne pour tester le procédé). Ensuite, c'est au praticien de proposer un outil et une interface qui permette un confort d'utilisation, sans avoir besoin d'installer quoi que ce soit de plus sur l'ordinateur ou la tablette de son client. Avec certaines des applications disponibles, un simple lien de connexion suffit et le tour est joué ! Enfin, pour ceux et celles qui choisissent de ne pas en profiter, sous prétexte d'une préférence pour les contacts « en chair et en os », cela fait souvent symptôme d'une stratégie du « Tout sinon Rien » et d'une résistance à la guérison* qui fait quelquefois partie de la difficulté pour laquelle ils consultent. A ceux-ci je confirme qu'ils ont tout à gagner à poursuivre en ligne leur suivi thérapeutique, en s'épargnant ainsi une interruption délétère pour les bénéfices qu'ils ont déjà réussi à obtenir, avec efforts et persévérance.

Du côté des praticiens, on entend dire que la « virtualité » ne permettrait pas de faire un travail efficace ?

Les tenants d'un tel discours n'ont vraisemblablement jamais pratiqué la téléconsultation, sinon ils auraient constaté qu'elle met en présence les deux protagonistes par les mêmes canaux sensoriels que ceux de la consultation en présentiel, à savoir la vue et l'audition. Seuls manque l'odorat, le goût et le toucher, bien peu indispensables dans la pratique de la psychothérapie pour adultes, et dont nous sommes de toute façon actuellement privés lors des consultations en présentiel, en raison des gestes barrières et du port du masque !

Ce rejet de la téléconsultation relève donc d'un à-priori, voire d'une « résistance » qui elle aussi fait symptôme, mais pour le/la thérapeute cette fois, et pour laquelle chacun(e) peut faire son propre examen de conscience (je devrais écrire d'Inconscient) : résistance aux mesures gouvernementales ? Résistance au changement ? Résistance à la frustration ? etc.

Certes, cela demande, dans aux patients comme aux praticiens, au cas où ils ne l'auraient pas encore fait, de passer par l'apprentissage de quelques outils informatiques. En même temps, peu d'entre eux ont émit les mêmes réticences pour apprivoiser le fonctionnement des réseaux sociaux sur leurs smartphones ou tablettes, et sur lesquels ils sont très actifs…. Seraient-ils devenus tout à coup incapables de la même adaptabilité dans leur travail ou pour leur bien-être psychique ?

Quant aux outils thérapeutiques en question, qui ne reposent pas sur les 3 « sens interdits » cités plus haut, ils sont constitués essentiellement de l'écoute active*, qui consiste à savoir accueillir dans la bienveillance la parole du thérapisant, et d'entendre/détecter les maux derrière ses mots, par le questionnement et la reformulation, puis de poser en conséquence une parole thérapeutique qui soulage. Cela requiert des compétences verbales et non verbales qui passent par les canaux visuels et auditifs seulement, et que la téléconsultation permet totalement, comme peuvent en témoigner les praticiens qui ont pu en faire déjà l'expérience.

Pour ma part, avec les personnes qui m'ont fait confiance lors du denier confinement et sont passés à la téléconsultation, aucunes n'ont été déçues par ce procédé. Certaines (la majorité) ont préféré par la suite reprendre des consultations en présentiel, d'autres (moins nombreuses) ont maintenu la téléconsultation, pour faire l'économie (en temps et en fatigue) des trajets.

Les restrictions à tenir en compte

Les seules restrictions dont il faut tenir compte concernent les troubles de la personnalité, et plus particulièrement les personnes schizophrènes, qui ont besoin de rester associés dans une réalité physique, et les enfants pour lesquels la thérapie passe souvent par la manipulation d'objets concrets.

À nous donc, praticiens de la psychothérapie, de faire les choix les plus profitables pour nous-même et nos patients, mais de les faire en toute connaissance de cause et non par à-priori, afin de mobiliser en cette période troublée, les moyens qui sont à notre portée pour qu'advienne la résilience, la nôtre, comme celle des personnes dont nous prenons soin.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Caroline Gormand

Praticienne en psychothérapie et Hypnose - Sophrologue Sa vocation est de vous accompagner dans les changements que vous souhaitez pour vous même, dans le cadre d’une écoute bienveillante, afin de vous aider comprendre vos difficultés et blocages, et faire émerger les ressources, savoir-faire et savoir-être que vous pouvez mobiliser.

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Bibliographie

  • Reaching through Resistance, Advanced Psychotherapy Techniques", Allan Abbass (Seven Leaves Press, 2015)
  • "L'Art d'écouter, développez le pouvoir d'une écoute active" Dominique Barbara (Ed. Alexandre Stanké, 2020) (livre audio)
  • "Former à l'écoute, 5 fiches de formations à l'écoute" , Renée Simonet-Jacques Salzer,Richard Soudée (Ed .D'Organisation, Livres Outils, 2004)

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Commentaires 1
  • Mirabelle

    Tout d'abord, merci de cet article, la thérapie en ligne est critiqué par certains professionnels et aussi par des patients qui n'y croient pas, chacun croit ce qu'il veut . Entre la thérapie traditionnel de présentielle qui est incontestablement la meilleure, celle-ci est le cas échéant une solution de fortune quand on n'est loin de tout, de son thérapeute, et surtout lorsqu'on est en souffrance. Pour avoir vécu le premier confinement loin de chez moi, je l'ai très mal vécu, la thérapie en ligne n'était pas une évidence au début mais après un moment où je ne savais pas gérer ma souffrance et bien j'ai fait appel à mon thérapeute qui a tout fait pour que ce soit possible, installation de l'application, pas simple lorsqu'on n'a pas d'ordinateur, le téléphone a été un support qui au final a permis de faire bien plus puisqu'on a pu se voir en téléconsultation via le téléphone, comme si j'y étais, et franchement ça a été une bénédiction, le confinement m'aura appris cela, avec les nouvelles technologies on peut communiquer via un écran, se parler, se voir, échanger et je suis ravie car il m'a aidé à tenir bon jusqu'au retour jusqu'à ce que je le revois au cabinet. Je recommande ce mode de thérapie pour l'éloignement, et en cas de force majeur.

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