Vivre en couple dans un monde individualiste

Nous seulement nous devenons de plus en plus individualistes, mais aussi égoïstes sexuellement.

29 NOV. 2017 · Lecture : min.
Vivre en couple dans un monde individualiste

Toi et moi est égal à nous. L'idéal romantique mis en avant depuis des années est celui dans lequel deux personnes se fondent, quasiment dans le sens littéral du terme, dans une relation évidemment monogame et qu'on espère pour toujours.

Mais ce modèle proposé est ameneé à changer. Aujourd'hui, je suis moi, tu es toi et nous partageons un espace limité pendant un temps indéterminé. Ainsi, nous sommes passés du "sans toi je ne suis rien" au "je, moi avec moi-même" pour adapter l'amour à une société plus individualiste. Et on ne parle pas seulement des "singles" ; un nouveau terme a émergé pour décrire ceux qui passent presque trop de temps seuls, dont l'animal est le meilleur ami, et avec qui il n'est pas nécessaire de discuter des vacances : les "supersingles". Et par ailleurs, sommes-nous aussi individualistes dans nos ébats amoureux ou sexuels ?

La sexologue Nayara Malnero explique que, selon son expérience en consultation, "nous sommes effectivement devenus plus individuels, mais peut-être l'avons-nous toujours été". Selon elle, la tendance en couple avant était de "tout faire ensemble et d'avoir peu d'indépendance", ce qui n'était pas toujours forcément sain. Cependant, elle observe qu'aujourd'hui, "il y a beaucoup de culpabilisation de l'autre et zéro responsabilité à propos du soin à apporter au couple".

Sur un terrain plus sexuel, Nayara Malnero déclare que cette tendance se voit encore plus clairement : "lorsque quelque chose ne va pas au niveau sexuel, la faute vient toujours de l'autre". La raison, selon l'experte, serait qu'actuellement nous avons plus de possibilités d'avoir des relations sporadiques, ce qui nous rend plus égoïstes au niveau sexuel. Pourtant, nous restons très intéressés dans la satisfaction de l'autre.

Individualistes sous tous les aspects

La chambre n'est pas le seul espace où il semble que nous soyons devenus plus individualistes. C'est la conclusion d'une étude de 2015, qui analyse à grande échelle ces dernières 150 années dans le but de comprendre pourquoi nous sommes devenus plus indépendants, et pourquoi nous accordons moins de valeur à des idées comme les liens familiaux.

Coordonnée par Igor Grossmann, professeur de Psychologie Scientifique de l'Université de Waterloo (Canada), cette étude a été publiée dans la revue "Psychological Science" et analysait des phénomènes comme l'augmentation du coût d'un divorce par rapport à celui d'un mariage, qu'il était plus habituel d'avoir un enfant unique, la tendance à rechercher un nom peu commun pour son enfant, ou qu'on écrivait plus sur des thèmes individualistes.

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Ainsi, l'une des principales réflexions est que la tendance à l'individualisme naît surtout de facteurs socio-économiques, comme la prolifération de professions libérales, mais aussi du travail compartimenté dans les bureaux au détriment des travaux manuels. Ainsi, la conclusion de Grossmann est que "l'individualisme [...] est consubstantiel de l'éducation et de la santé : plus ces standards sont élevés, plus la société est individualiste".

À cela, la sociologue Rosario Guillén précise que "nous sommes plus individualistes parce que notre réalité est très différente d'il y a quelques années, notre modèle familial a changé, mais aussi le modèle professionnel ou sociétal". L'experte précise elle aussi l'influence du contexte socio-économique, qui, selon elle, "nous permet d'avoir des rêves et de lutter pour les accomplir". Ainsi, ce qui s'applique au travail s'applique aussi au couple et, effectivement, ce que nous "devons" à notre entreprise ou à notre famille n'a rien à voir avec hier.

Le nouveau contexte du couple

L'implication de cette tendance croissante vers l'individualisme dans le couple s'observe à une multitude de détails. Effectivement, l'individualisme en couple se montre notamment par le fait que nous nous gardons des espaces et moments dédiés au bien-être individuel, ce qui, selon Guillén, "est la marque d'une relation saine, puisque nous sommes toujours plus conscients qu'il n'est pas nécessaire de tout partager avec l'autre. Un couple n'est pas formé de deux individus fusionnés".

En ce qui concerne la manière dont cela affecte la sphère intime, la sociologue précise que "penser plus à soi qu'aux autres ne veut pas dire qu'on néglige l'autre. D'ailleurs, en étant plus individualistes, on a aussi plus d'égo, ce qui fait que l'on n'aime pas se sentir mal sur un terrain sexuel".

D'un autre côté, Rosario Guillén insiste sur le fait que "les relations sexuelles commencent à se maintenir de façon plus précoce et l'accès aux sites de rencontre et la variété dans les rencontres sexuelles, font finalement de nous des quasi experts dans ce domaine".

De son point de vue, ceci suppose que "lorsqu'on accède à une gamme plus large d'expériences, il est plus facile de savoir ce que l'on veut et, ainsi, rechercher ce qui nous satisfait personnellement". C'est-à-dire que, bien que sur les sites de rencontres il existe cette tendance à "consommer" des personnes plus qu'à interagir avec elles, le problème n'est pas l'outil, mais bien ce que l'on veut en faire.

Ce changement de tendance, selon le psychologue Manuel Antolín, signifie aussi que "il existe différentes manières de vivre l'amour et le sexe". Ainsi, on remarque que les relations chez les personnes célibataires sont plus sporadiques, mais aussi qu'il existe une plus grande diversité quant à la définition du couple.

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L'expert précise qu'aujourd'hui "il existe différents types de relations, depuis le mariage traditionnel jusqu'aux relations à distance de ceux qui vivent dans des pays différents pour des contraintes professionnelles ; des relations ouvertes, dans laquelle chaque membre a ses propres règles et limites définies par les deux, alors que les autres relations sont secondaires ; des relations libres où chacun peut avoir toutes les relations qu'il veut, éliminant l'idée de possession ; et des relations polyaffectives, comme le polyamour, dans lequel il y a deux ou plusieurs relations affectivo-sexuelles où existe l'amour".

Individualisme et équilibre du couple

L'individualisme ne signifie pas toujours avoir un meilleur équilibre entre le bien-être personnel et le couple, étant donné qu'il y a toujours des personnes qui vont vers les extrêmes et qui sont tellement tournées vers elles-mêmes qu'elles en oublient les émotions de l'autre.

Comme l'explique le psychologue Manuel Antolín, "l'individualisme affecte la relation lorsque la résolution de ses propres besoins se fait avant celle des besoins de l'autre, ou lorsque l'on ne prend pas en compte l'autre et son bien-être". Cette nouvelle condition "peut mener à une prise de décisions moins éthiques, où l'autre devient simplement un moyen de satisfaire mes besoins. Cela mène à la frustration et au désenchantement aussi bien au niveau sexuel que dans les relations de couple".

C'est aussi la raison pour laquelle, selon le psychologue, peut-être nous résistons moins bien dans les relations de couple. Pour rechercher un équilibre entre le moi et le nous, Antolín précise qu'il est important de "prendre en compte le fait que, dans tout type de relation, il faut apporter du bien-être à toutes les personnes qui s'y impliquent", c'est-à-dire que ce soit quelque chose qui s'ajoute aux deux personnes, et non qui se soustraie.

De plus, il insiste sur le fait qu'il "est important de découvrir ce qui vous plaît, aussi bien au niveau sexuel (connaître votre corps et ce qui vous apporte du plaisir, être ouvert à la découverte de nouvelles formes pour profiter ou non selon vos besoins), tout comme le type de lien qui vous fait vous sentir bien (mariage, partenaires de vie, relations ouvertes...)". Et évidemment, savoir gérer un couple en faisant des compromis, sans que l'un ou l'autre ne cède trop de terrain.

Est-il possible à l’ère de l’individualisme de connaître l’amour ? L’amour est-ce une simple gestion de compromis entre deux individus ? 

Photos : Shutterstock

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Commentaires 1
  • Léo

    Très intéressant comme sujet.a recommandé a la jeunesse française dont je fais partie a lire avec attention a nos heures perdues pour mieux savoir qui l'on est et surtout ce que l'on veut vraiment pour nous et pour l'autre avec qui nous voulons partager....oupas.... cordialement,Léo Sévilla.

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