Comment vivre une vie normale ?
Bonjour, si j’écris ce message ici c’est que je n’en peux plus de vivre ma vie. Vraiment.
Je sais que plus rien ne va depuis très longtemps, et j’en ai assez de me mentir, de faire semblant, de porter un masque derrière lequel je m’efface et n’existe tout simplement plus.
J’enchaîne les échecs depuis de nombreuses années : échecs scolaires, pas ou très peu d’amis proches, déceptions amoureuses…, et j’en passe.
Honnêtement, je me demande parfois comment j’ai fait pour survivre jusqu’à aujourd’hui. Je vais bientôt avoir vingt ans, et cela ne me fait rien. J’ai cessé de vivre depuis… depuis si longtemps que je ne saurais même plus le dire. Mais je crois que c’était durant mon adolescence, ou peut-être que cela datait déjà d’avant.
Je n’ai jamais eu beaucoup d’amis à l’école, je restais toujours isolé et je préférais vivre des petits scénarios imaginaires dans ma tête pour « m’occuper ». Mais c’était en vérité mon seul moyen d’échapper à la triste réalité : je n’aime pas ma vie.
C’est fou car, en y réfléchissant, j’ai l’impression d’avoir vécu dans ma tête depuis tout petit. Je me suis inventé des dizaines de personnages (qui me ressemblaient souvent) et j’ai vécu dans des centaines d’univers différents, vivant des aventures palpitantes et des relations captivantes.
Cependant, j’ai grandi, et cela ne me suffit plus. Je ne suis plus l’enfant qui s’endormait le soir en se promettant que tout changerait un jour, que mon passage à l’âge adulte changerait tout et que je vivrais de véritables aventures. J’ai vu la vérité en face et elle m’a paru si fade, si décolorée, que j’ai perdu le goût de vivre.
C’est ça, je n’aime plus la vie.
J’ai dix-neuf ans, la plupart des jeunes de mon âge rêvent de s’émanciper, de faire de belles études et d’exercer un métier épanouissant, de se marier, fonder une famille, et de plein d’autres choses encore !
Ou, du moins… ce sont les mots qu’emploient mes parents lorsqu’ils me ramènent à la dure réalité, lorsque je réalise (même si je le sais déjà) que je ne suis qu’un boulet accroché à leurs pieds, un poids qui leur pèse de plus en plus à ce jour où la vie coûte énormément cher. En particulier pour des parents qui ne gagnent pas beaucoup chaque mois…
Je suis conscient de tout cela et j’ai déjà essayé de faire des choses : je m’étais inscrit à la Mission Locale de ma ville sous les conseils de ma mère, qui devait être désespérée de me voir chaque jour à la maison, à ne rien faire.
Il est vrai qu’elle trouvait surtout cela intéressant par rapport à l’allocation que les jeunes touchent en échange de leurs efforts fournis, c’est comme un petit salaire (sans qu’on travaille réellement) qui motive à se pousser davantage vers le haut.
Et je l’admets : je n’aimais pas beaucoup cette idée, puis je me laissé emporter par cette ruée vers l’or, et j’ai été « séduit » par cette possibilité qui me permettait de m’offrir tout ce dont j’avais toujours rêvé.
Jusqu’à ce que… tout ce que je voulais devienne impossible, immatériel, et que je réalise subitement que j’avais dépensé énormément d’argent pour… rien. Des choses qui étaient sensées me faire sourire mais qui représentaient surtout des achats compulsifs.
Je me suis méprisé, j’ai culpabilisé…
Mais c’est la vie, et je ne m’en fais pas trop pour ça. Car je suis parti de la Mission Locale peu de temps après. J’avais menti à ma conseillère en lui affirmant que je partais pour reprendre des études… des études de lettres comme je l’avais toujours rêvé en étant tout petit.
J’y avais cru, à vrai dire. Et là encore je me suis méprisé, car le regard bienveillant de cette femme que je ne reverrais jamais me renvoyait l’image d’un garçon au sourire charmant, qui savait mentir comme il respire. C’est là que j’ai compris que je ne pouvais plus porter ce masque.
De toute manière, ma mère avait refusé que je quitte le nid familial pour faire des études si loin de chez moi. Trop de contraintes financières, disait-elle…, et j’ai fini par me dire qu’elle avait raison.
À quoi bon partir faire des études ?
Ce n’était encore qu’une excuse de ma part pour éviter de me confronter à la réalité : sans travail, je ne reste qu’un poids pour ma famille.
Et je crains de rester un poids pour eux. Aucun métier ne me plaît et puisque je refuse de faire semblant, ils ne seront jamais contents.
Et c’est là que j’en viens au problème principal… si on peut l’appeler ainsi.
Je sais que ma vie est un enfer, même si cela reste encore un doux euphémisme, et pourtant, je n’ose en parler à personne. Je ne sais pas communiquer avec mes parents, j’ai toujours l’impression qu’ils ne me regarderaient qu’avec de gros yeux avant de se détourner de moi, comme ils le font déjà si bien.
Et je n’ai pas vraiment d’amis proches de moi à qui j’oserais dire cela… J’ai bien quelques connaissances qui me trouvent sympa, mais ils ne répondraient que par des « Ok » ou « Ah… » à ma souffrance si j’osais seulement leur en parler. Sans vouloir être offensant, ils sont nuls…
Et puis, bien sûr, beaucoup de gens me diraient d’aller voir un psy. Mais je refuse d’aller voir ce type de charlatans. Je n’ai pas confiance en eux ! Je ne veux pas juste parler pendant des heures de mes problèmes, remettre un chèque, et partir en espérant aller mieux après chaque séance. Non !
Je veux plus… Je veux un miracle !
…
Pardon, l’enfant que j’étais espère toujours parfois que quelqu’un vienne le sauver.
Ce que je veux dire, c’est que parler ne m’aidera pas juste à résoudre mes problèmes et changer ma vie. Les psy servent à ça : écouter. Mais cela ne sert à rien d’écouter les gens… Si je désirais juste être écouté, j’irais ennuyer tous mes « potes » avec mes soucis. Et qu’importe que les psy soient supposés être plus bienveillants, ouverts, cela ne change rien au fait qu’ils ne me comprendraient pas car ils ne vivent pas ma vie. Mais alors… si je pars de ce principe, personne ne peut me comprendre…
à part moi.
Pour être franc, j’ai déjà consulté un psy (en fait deux) par le passé, et celui-ci s’est laissé facilement berner par mon masque d’ange à la vie parfaite. Ou bien était-ce la liasse de billets que mon père déposait sur son bureau qui lui plaisait…
Je ne sais pas.
Peut-être était-ce ma faute, pour avoir menti à ce psy, et ainsi laissé mon père dépenser inutilement ?
Je ne sais pas.
Toujours est-il que je regrette cet argent perdu, car nous n’avons jamais roulé sur l’or. Mais c’est du passé. Et je ne reverrais jamais ce psy.
Qui plus es, avec notre situation d’aujourd’hui, mes parents seraient incapables de me payer de nouvelles séances de psy, et c’est mieux ainsi. J’ai appris de mes erreurs : si je peux éviter de dépenser inutilement, je le fais.
J’aimerais beaucoup pouvoir retourner à mes années de lycée, où je pouvais encore rêvasser comme bon me semble. Pendant les cours, les récréations, et même chez moi, je m’imaginais une vie géniale, aux côtés de mes héros favoris. Je me perdais dans de longues aventures, des heures entières, et je n’avais besoin de rien d’autre. J’étais insouciant car protégé par le système scolaire qui, d’une manière ou d’une autre, me rassurait en me disant qu’après tout, j’avais de la chance d’être encore à l’école et de ne pas être forcé de travailler comme tout le monde.
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et même mes meilleurs scénarios ne peuvent plus me faire sourire dans mes rêves. Je suis comme vide, sans espoir, je vis sans être là, je ne sais pas où je suis…
Je suis désolé, ce message a été un peu long… Très long, en vérité. C’est juste que… je ne sais pas à qui parler de tout cela. Et comme c’est anonyme, je me suis laissé tenter. Je remercie déjà celles et ceux qui prendront le temps de me répondre, même si je connais pratiquement vos réponses…
Vous me demanderez de consulter un psy…, et je me verrais dans l’incapacité de le faire, hélas.