Vais-je me pardonner un jour ?
Mon fils s'est suicidé il y a 2 ans et 3 mois. Je vis à peu près normalement, je n'ai pas voulu me faire aider par crainte de ne plus réussir à me relever, je suis entourée, j'ai un travail, mes deux enfants adultes qui ont leur vie n'en parlent jamais et lorsque j'essaye je pleure. Je pense qu'ils se préservent et me préservent. Quand on me demande combien j'ai d'enfants, je réponds invariablement 3 et je parle de lui comme s'il était encore en là en changeant rapidement de sujet. Toutes les cérémonies auxquelles j'ai été invitée ayant lieu dans une église m'ont fait souffrir énormément et je refuse maintenant d'entrer dans une église pour ne pas troubler la joie de l'assistance. Mon conjoint est atteint d'un cancer récemment et je fais tout pour lui remonter le moral et c'est un combat qui ne me fait pas peur car je pense être forte pour deux. Je pleure quand je suis certaine d'être seule un long moment. On dit de moi que je suis un rayon de soleil mais je me sens quelques fois si malheureuse et si culpabilisée. Je dois prochainement me remarier civilement et j'ai peur de ne pas rester digne, de penser à mon fils adoré et de gâcher ce moment important.
Je vous écris en pleurant, je pense que vous ne me répondrez pas car ma souffrance est certainement une goutte d'eau par rapport à toutes les détresses que vous recevez mais je suis quand même heureuse d'avoir pu mettre des mots sur mon désarroi. Vais je un jour me pardonner de ne pas avoir compris, de ne pas avoir pu l'en empêcher même si dans son long courrier il m'explique que sa décision était prise et qu'il m'aime.
Je vous remercie de me lire.
Anne