Bipolaire ou borderline : Principales différences de ces deux troubles

En quoi le trouble bipolaire est-il différent du trouble de la personnalité limite ? Pourquoi beaucoup de gens peuvent-ils les confondre ? Découvrez leurs principales différences.

30 JANV. 2024 · Dernière modification: 2 FÉVR. 2024 · Lecture : min.
Bipolaire ou borderline : Principales différences de ces deux troubles

Le terme « bipolaire » est souvent entendu dans les discussions populaires. Celui de « borderline » aussi. Il nous est arrivé un jour d'entendre une patiente bien renseignée se plaindre que le diagnostic de « bipolaire » posé sur elle par un psychiatre ne lui correspondait aucunement, et qu'elle revendiquait le droit d'être considérée comme « borderline ». « Je suis borderline ! », criera-t-elle au téléphone lors de la prise de rendez-vous, « pas bipolaire ! ». Quelle différence me direz-vous, entre un mal et un autre guère plus enviable ? L'identité, bien sûr ! Avoir la bonne étiquette diagnostique sur sa maladie permet de savoir qui on est.

Quelles sont les différences entre bipolaire et borderline ?

Dans la masse des diagnostics possibles du DSM-5, la classification internationale des troubles mentaux, le trouble bipolaire semble dégainé fréquemment ces dernières années. Est-ce un phénomène de société d'avoir une population fortement atteinte de ce trouble ? Ou bien ce terme est-il galvaudé, victime de son succès ? N'y a-t-il pas parfois de la confusion avec le diagnostic « borderline » ? Cet article a pour simple objectif d'initier le public intéressé ou concerné de près ou de loin, à la différenciation entre un « trouble bipolaire » et un « trouble de la personnalité borderline ».

Caractéristiques communes

La pose d'un diagnostic de santé mentale est toujours délicate, et même si c'est border par des critères définis par le consensus médical, il reste toujours un risque de confusion du aux critères qui se recoupent et à la subjectivité des observations cliniques.

  1. Prévalence : Les deux sont des pathologies mentales graves à fort impact sur le quotidien. En termes de prévalence en France et dans le monde, étant donné les variations de résultats d'une étude à l'autre et la sous-diagnostication estimée, nous ne pouvons pas affirmer qu'il y ait plus de l'une ou l'autre pathologie, les deux seraient autour de 2,5 % de la population générale.
  2. Notion de spectre : Le terme de « bipolaire » est beaucoup plus présent dans le discours sans doute parce qu'il est nouveau, apparu en 1980 dans le DSM-III. Il vient remplacer ou concurrencer celui de « maniaco-dépressif » ou « folie maniaco-dépressive » énoncé pour la première fois en 1907 par Deny et Camus. Mais c'est rigoureusement la même chose. Le terme de « borderline » est plus ancien mais toujours d'actualité dans la nomenclature. Toutefois, le sens a changé, tombant dans l'escarcelle du jugement populaire. Dire de quelqu'un qu'il est « borderline » est généralement peu flatteur et suggère un personnage sorti des convenances sociales. Pourtant, à la base, « borderline » servait uniquement à désigner les patients qu'on ne pouvaient pas (encore) classer de façon formelle dans la névrose ou dans la psychose (sachant que les catégories diagnostiques devaient rester hermétiques). Ils étaient donc « à la limite » entre les deux, par défaut. Aujourd'hui, « Borderline » est devenu un diagnostic à lui tout seul, depuis que la notion de spectre est apparue (des glissements entre névrose et psychose deviennent possibles).
  3. Notion de bascule : Ces deux troubles présentent des variations significatives de comportements en termes d'humeur, d'images de soi (valorisée ou dépréciée), et d'énergie (hyperactivité ou hypo-activité), avec des impacts forts au niveau social et professionnel.
  4. Notion d'impulsivité : Dans les deux situations, le trouble a une forme d'impulsivité, pouvant aller des conduites à risques (addictions, dépenses, sexualité…) jusqu'au suicide. Il y a pourtant des différences significatives entre les deux.

Différences significatives

  1. Notion temporelle : Le sujet « bipolaire » vit des cycles de dépression – excitation – davantage délimités et réguliers dans le temps, prévisibles, que l'on compte en termes de semaines : généralement deux semaines (voire plus en cas d'hospitalisation), sinon minimum 4 à 5 jours en cas d'hypomanie (où les crises sont moindres dans le trouble bipolaire de type II). À l'inverse, le sujet « borderline » vit des cycles émotionnels beaucoup plus rapides, en termes d'heures voire de minutes (rarement plus de quelques jours), fluctuants et imprévisibles, généralement en lien avec des événements de l'environnement social dynamique (en temps réel).
  2. Notion d'affect : Contrairement au trouble bipolaire (qui repose principalement sur l'alternance d'épisode « up » (maniaque) et épisodes « down » (dépressif), sans questionnement systématique sur le déclencheur, le trouble de la personnalité borderline met surtout en avant la peur viscérale du sujet d'être rejeté ou abandonné, qu'elle soit fondée ou imaginaire. Le sujet « borderline » est donc ultra-sensible à l'environnement affectif dans lequel il évolue. Il peut même saboter ses relations d'attachement pour éviter l'indifférence ou anticiper l'abandon imminent qu'il soupçonne.Quelles sont les différences entre bipolaire et borderline ?
  3. Notion d'intensité : Comme on l'a dit, le sujet « borderline » est ultra-réactif au moindre événement affectif. La moindre contrarié peut le faire flamber. L'amygdale, organe sous-cortical du cerveau limbique (émotionnel) qui gère la perception du danger, s'active de façon ultra-rapide et déclenche un comportement défensif, émotif et intense (colère, pleurs...). Les intensités sont plus fulgurantes que dans le trouble bipolaire. C'est l'ascenseur émotionnel.
  4. Notion de « bon ou mauvais » : Si le sujet bipolaire repose davantage sur la notion d'être « triste ou heureux » sans raison apparente, le sujet borderline est plutôt habité par la notion de « bon ou mauvais ». Sinon il a la sensation de vide, de ne pas exister du tout. L'auto-mutilation est souvent un moyen de se sentir vivant. Sinon de se punir. Il peut très rapidement idéaliser un partenaire susceptible de lui apporter les soins dont il a tant besoin. Il peut le désacraliser tout aussi rapidement si ce dernier n'est pas à la hauteur de ses attentes.
  5. Notion d'instabilité : La personnalité borderline se différencie du sujet bipolaire par un mode de relations intenses et instables. Les relations sociales sont rarement vouées à durer toute la vie. Ne serait-ce que, en lien avec un vécu abandonnique, le sujet borderline a appris à tout perdre. Il peut saboter son bonheur calme pour ne pas éprouver le vide, source d'angoisse. Il faut dire que son vide à remplir est comme un trou sans fond. De fait, seule, la mobilité ou le mouvement permet de supporter cette situation insoutenable. Comme sur un sable mouvant, il ne faut jamais s'arrêter de marcher, sans quoi on s'enfonce. Il y a donc souvent des retournements de situations brutales dans la vie d'un borderline quand la routine s'installe.
  6. Notion de personnalité : C'est sans doute le plus point de plus déterminant de la différenciation entre les deux troubles. Contrairement au sujet « bipolaire », le sujet « borderline » entre dans la catégorie des troubles de la personnalité, plus précisément dans le groupe B dont les sujets sont décrits comme apparaissant « sous un jour théâtral, émotif et capricieux » (au même titre que les personnalités antisociales, histrioniques et narcissiques). Les troubles de la personnalité sont « caractérisés par des schémas omniprésents et persistants de pensées, de perception, de réaction et de relations qui entraînent une souffrance importante pour la personne et/ou nuisent considérablement à sa capacité à fonctionner », selon le DSM-5 (1). C'est donc toute la personnalité qui est ici impactée, pas simplement des comportements transitoires. C'est une personnalité dont la conduite va généralement à contre-courant de la culture ambiante, de façon envahissante et persistante.

En somme, pour bien faire la différence, il faut se représenter une personne borderline comme un personnage plutôt flamboyant, assez démonstratif, exigent ou explosif, peu discret. Original. Le sujet bipolaire peut faire parler de lui de manière épisodique et redevenir effacé durant les phases dépressives, ou apparaître normal quand la maladie se stabilise.

Le sujet borderline, lui, devient comme un vrai personnage de fiction. Tel le personnage de Camille dans le roman de Olivier Bourdeaut (2016), incarné au cinéma par Virginie Efira dans le film de Régis Roinsard sorti en 2021 : « En attendant Bojangles ». Ce personnage est présenté comme étant à la fois schizophrène et bipolaire. N'est-il pas borderline ? Autre personnage vif au cinéma dans le film de Jean-Jacques Beneix sorti en 1986 : « 37°2 le matin » , avec Béatrice Dalle. Dans les deux histoires, ces deux femmes, toujours en mouvement, en intensité émotionnelle, et en comportements à risque, sont sur le fil du rasoir entre névrose et psychose.

Finalement, notre patiente du début qui s'est auto-diagnostiquée borderline avait peut-être raison. Crier son nom (de maladie) comme prise de contact téléphonique n'est-il pas un acte revendicatif borderline ? Plus qu'une maladie, Borderline a une valeur identitaire. Beaucoup de personnalités borderline s'ignorent. Elles revendiquent au contraire leur excentricité, leur originalité. Sont-elles toujours malades ?

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Bibliographie

  • DSM-5 : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (traduit par J.-D. Guelfi et M.-A. Crocq; 5e éd.). Elsevier Masson.
  • Hamon M. Dépistage et prise en charge du trouble bipolaire. Recommandations formalisées d'experts (RFE) [éditorial]. L'Encéphale 2010;36(Suppl 4):S77-S8.
  • Merikangas KR, Jin R, He JP, Kessler RC, Lee S, Sampson NA, et al. Prevalence and correlates of bipolar spectrum disorder in the world mental health survey initiative. Arch Gen Psychiatry 2011;68(3):241-51.
  • GODFRYD Michel, « Les troubles bipolaires », dans : Michel Godfryd éd., Les maladies mentales de l'adulte. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2014, p. 50-63.
  • « 37°2 le matin » : film français réalisation par Jean-Jacques Beineix, Production Cargo Film (Claudie Ossard, Jean-Jacques Beineix) sorti en Francele 9 avril 1986, 1986, d'après le roman de même titre Philippe Djian.
  • « En attendant Bojangles » : film franco-belge de Régis Roinsard, produit par Curiosa Films et JPG Films, sortie en 2021 / d'après le dans le roman de Olivier Bourdeaut, édition Finitude, paru le 7 janvier 2016.

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Commentaires 2
  • Emilie

    Bonjour, je trouve votre description du trouble borderline très caricatural voire erroné. Votre tableau est caricatural : "théâtral", personnes "originales", je n'ai jamais entendu de psychologue ou psychiatre respectueux parler ainsi de patients en souffrance. Aussi vous évoquez assez peu le type II du trouble bi Certes c'est un article de vulgarisation, mais ce n'est pas pour autant qu'il est nécessaire d'en venir à de tels raccourcis. De plus les représentations cinématographiques sont généralement mauvaises et peu représentatives, ce qui peut mener à une mauvaise compréhension de ces troubles déjà mal connus. C'est dommage.

  • punching ball

    J'ai eu beau dire qu'elle n'était pas "que" Bipolaire. Personne ne m'a crue. J'ai subis une collègue a l'hôpital exubérante, sans empathie, ni compassion envers le mal qu'elle me faisait, sans dépression réel. J'ai perdu mon emploi, mon logement, ma ville pour la fuir ainsi que ceux qu'elle me mettait sur le dos. Marrante, je me suis pas méfiée. Elle a envahie ma vie privée de manière impulsif et inconsidéré. Elle m'a piratée informatiquement. Livrée aux mecs (libertins et autres délirants dangereux des réseaux sociaux) dans mon dos. Elle entrait chez moi. Enfilait mes robes et elle venait ensuite me faire des allusions au travail pour me dire je sais tout de toi et de chez toi. Elle me fixait intensivement après comme un enfant qui attend le oui de sa sœur pour continuer. Elle jeté son dévolu sur mes affaires, mon chien. Elle m'imitait au travail, inversant les actes et responsabilités. Elle me diffamait a partir du moment ou je la rejetais. Elle est très sensible au rejet. Pique des colères extrêmes et délirantes. Détruit les autres pour ne pas souffrir elle même. Angoissée par le regard des autres avec la peur qu'on sache pour elle. Elle m'attribuait ses défauts, sa maladie et elle se prenait pour la meilleure (délire de grandeur). Impossible a raisonner. Elle aime les sensations fortes, se sent vide. Elle est dépendante affective en plus. Aime la fête un peu trop malgré son age. Hors dans ce genre de maladie, il faut absolument une vie calme et saine. Éviter l'alcool et la drogue. Je lui ai dit gentiment que pirater c'est mal. Rien a faire, elle sourit et dit tout le monde le fait. Je lui ai dit avant de me brouiller pour de bon avec elle que je pensais qu'elle était plutôt Borderline état limite... et pas par méchanceté, mais pour dire qu'il faut peut être revoir son traitement, consulter pour une thérapie moderne pour lui permettre une stabilisation apaisante (peut être schizo aussi vu certains délires mais je suis pas un pro, ni formé pour). Rien a faire. C'est parti en live de plus en plus ! La faute a son entourage ! Ils pensent la protéger (syndrome du sauveur) en lui accordant tout ses caprices et en fait ils empirent son mal. Ils dénient la gravité, les dérapages illégaux, les actes extrêmes possibles quand elle est en crise. On s'introduisait chez moi. Mon chiot et moi même avons été intoxiqué (alimentations empoisonnés). La police n'a pas bougé. Et le système de santé psychiatrique n'est absolument plus a la hauteur. Pénurie de structure, pénurie de personnel qualifié (stress, burn out, maltraitance) et de médecins. Résultat un abandon des malades et les rechutes avec. J'en veux surtout aux psychiatres qui ne se forment pas aux nouvelles thérapies, le médoc ne fait pas tout... au suivi en trou de gruyère, au cout prohibitif. J'en veux aussi aux politiques et aux employeurs qui ne voit pas un vide juridique sur l'absence de suivi obligatoire pour soutenir le patient a prendre ses régulateurs, ses antipsychotiques, qui déni les dégâts collatéraux aussi. J'en veux aux mépris des gens de la société aussi sur ce genre de consultation pourtant démocratique aux USA. Nier l'évidence, ne résout pas le problème de fond. Tôt ou tard c'est le bordel. Regarder l'affaire actuelle du meurtre de Lina ! C'est avoué, flagrant ! L'agresseur, un papa ordinaire, mal diagnostiqué bipolaire alors qu'il était borderline état limite et toxicomane comme beaucoup de troubles de l'humeur dépressif qui se laisse vite tenté par les extrêmes pour oublier leurs douleurs (vu par un psychiatre suite au vol d'une voiture en Suisse). En crise et drogués ou alcoolisés ! ils sont impulsifs, délirants, très extrêmes parfois. Inhibés aux lois, aux règles en société. Tous ne sont pas ainsi. Mais le risque est a évaluer selon le caractère de la personne derrière, selon ses addictions. Le déni est fatal. C'est le drame après ! Je suis furieuse d'une santé et d'une justice qui coule a pic. Tout le monde trinque ensuite. Le malade et sa victime inclus. Les deux familles avec. C'est irréparable après ! Au travail, un psy devrait être "obligatoire" comme pour la médecine du travail, dans les évaluations annuelles. Pour faire le point de l'état de chaque salarié (dépression, burn out, troubes psychiques, addictions). Adapté ses besoins pour être performant et bien dans sa peau. En cas de soucis psychique, il faudrait un schéma de process de crises. Une salle apaisante avec un référent formé pour accompagner le salarié en crise, le rassurer ! En qui le salarié peut avoir confiance. Un contact extérieur d'urgence aussi (son aidant, sa famille, son psy ou son médecin). Bref comme pour une bonne prise en charge patient "un encadrement secret partage efficace". Un DRH, un chef de service, qui fanfaronne sur sa connaissance de la gestion des personnalités difficiles mais qui laisse la merde, fuyant dans son bureau, quand la crise éclate. Merci j'ai vu ! J'en ai pris plein la figure et sans secours. J'avais dit dès le début qu'il fallait que je sortes du service, même temporairement le temps qu'elle se calme. J'étais l'objet de son délire ! Elle focalisait sur moi pour fuir sa réalité, sa douleur.

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