​Au-delà de l'étiquette de "trouble de la personnalité": focus sur nos besoins et nos émotions

Je propose ici une approche alternative à la problématique des troubles de la personnalité, plus focalisée sur les besoins et les veçus de la personne, et moins sur un diagnostic parfois figé et peu utile.

27 AVRIL 2023 · Lecture : min.
​Au-delà de l'étiquette de "trouble de la personnalité": focus sur nos besoins et nos émotions

Il y a une étiquette qui peut faire peur, celle de "trouble de la personnalité". On en entend souvent parler, surtout dans une société qui parfois utilise les mots de façon trop légère, sans faire attention à leurs implications et leurs conséquences. Et il est donc facile de nommer quelqu'un que l'on connaît comme "narcissique", "dépendant" ou, encore, "borderline".

Malheureusement, au fil du temps ces étiquettes risquent de devenir figées et difficiles à tolérer par la personne qui les reçoit. Elles deviennent le symbole de quelque chose de difficile à traiter, qui est là depuis toujours et ne peut pas être modifié. Quelque chose qui rend la personne différente des autres et qui peut contribuer à augmenter sa souffrance et ses vécus négatifs.

Parmi ces étiquettes, une qui est particulièrement difficile à porter est celle de "trouble de la personnalité borderline". Cette problématique est associée à une instabilité émotionnelle, avec des fréquents pics de colère et des changements d'humeur soudains et apparemment injustifiés. On peut aussi noter des comportements dysfonctionnels, qui causent des difficultés relationnelles. Enfin, il y a une instabilité marquée et persistante de l'image ou de la notion de soi.

Une caractéristique typique de ce trouble de la personnalité et, plus globalement, de toutes ces problématiques, est la persistance des comportements peu adaptés et l'impact significatif qu'ils ont dans plusieurs domaines de vie de l'individu. Face à un événement menaçant, réel ou tout simplement perçu comme tel, la personne a tendance à activer toujours le même type de réponses, souvent inadaptées pour elle et difficiles à accepter par les autres. C'est ainsi qu'au fil du temps ce mal être s'installe de façon de plus en plus profonde et figée et que la souffrance psychique s'accentue.

Comment traiter un trouble de la personnalité ?

Que peut-on faire, alors ? Comment traiter les troubles de la personnalité sans prêter attention aux étiquettes, mais en se focalisant plutôt sur la personne, sur ses vécus et ses besoins?

Une perspective intéressante nous est offerte par Young dans la Thérapie des Schémas (Young et al., 2003). Dans cette thérapie, le concept de "besoin" est central. D'après cet auteur, dès le début de notre vie, chacun de nous a des "besoins émotifs primaires". Ces besoins sont pour l'enfant comme de la "nourriture affective". Ils l'aident à grandir en se sentant aimé et accepté, dans un environnement rassurant pour lui et l'aident à développer un sens stable de lui-même et du monde qui l'entoure. De plus, ces besoins, si satisfaits, aident l'enfant à identifier et à exprimer ses ressentis et ses opinions, en se sentant compris, mais lui permettent aussi d'avoir des limites, de s'amuser, ainsi que d'être spontané et authentique.

Et que se passe-t-il si, au contraire, pour plusieurs raisons, les adultes de référence ne sont pas en capacité de satisfaire ces besoins ? Et bien, c'est là que l'enfant commence à développer un "filtre de protection" à travers lequel il cherche à interpréter ce qui se passe autour de lui, afin de trouver une cohérence et survivre dans un contexte compliqué et parfois effrayant.

Si, par exemple, quand je suis enfant, mes parents sont souvent absents, peu affectueux ou n'ont pas trop de temps à me dédier, je commencerai à me dire que c'est ma faute, que, peut-être, je ne suis pas assez intéressant(e) et que c'est pour cette raison qu'ils ne restent pas avec moi. Je commencerai donc à développer mes "schémas", qui m'accompagneront pendant toute ma vie.

Qu'est donc un "schéma dysfonctionnel précoce", comme le définit Young (Young et al., 2003) ? On pourrait l'imaginer comme une lentille qu'une personne a devant ses yeux, qui déforme la vision qu'elle a d'elle-même, des autres et du monde. Cette lentille se forme donc parce que certains de nos besoins primaires ne sont pas satisfaits pendant l'enfance. Chacun de nous garde cette lentille, faite d'émotions, de pensées, de sensations corporelles et de souvenirs, tout au long de sa vie et interprète la réalité à travers celle-ci.

Pour revenir à l'exemple précédent, à cause de mon histoire de vie mes croyances peuvent être que je ne suis pas intéressante, parce que mes parents ne passaient pas du temps avec moi quand j'étais petite. Une fois à l'âge adulte, je pourrais interpréter l'inattention de mon copain, qui est distrait ou qui rentre tard, comme la confirmation de ma perception de moi-même et des autres et adopter un comportement cohérent avec mes ressentis. Je pourrais alors exprimer de la colère contre lui, la colère d'un enfant qui ne se sent pas vu, pas considéré, depuis toujours. Cette explication, bien que très simplifiée, démontre une des possibles raisons des explosions de colère chez un sujet avec un trouble de la personnalité borderline.

Mais la vraie question à se poser est : qu'est ce qu'il y a derrière cet "enfant en colère" ? Souvent, comme Greeberg, auteur de la Psychothérapie centrée sur les Emotions (Kramer et Ragama, 2015) nous dit, la colère est uneémotion secondaire, qui en cache d'autres, parfois plus difficiles à reconnaître et à maîtriser, comme la tristesse et la peur. Et alors, en cherchant mieux ce qu'il y a derrière cette colère, nous pourrions trouver une partie de nous vulnérable, qui se sent triste, comme lorsque nous étions petits et que nos parents n'étaient pas là pour nous, par exemple. Autrement dit, une partie de nous qui a des besoins insatisfaits et qui n'arrive pas à les exprimer correctement ou, parfois, a même du mal à les porter à la conscience.

Et, indépendamment des étiquettes de "troubles de la personnalité borderline" ou d'autres étiquettes similaires, c'est à ces besoins insatisfaits qu'il faut prêter attention.

Comment traiter un trouble de la personnalité ?

C'est ce que nous pouvons faire au cours d'une thérapie : nous pouvons apprendre à nous connecter à nos besoins, en cherchant à les satisfaire de nous-mêmes, si possible, sans attendre que quelqu'un d'autre le fasse pour nous ou, en tout cas, en apprenant à demander de façon calme et assertive à l'autre, qui pourra ainsi nous écouter et, éventuellement, répondre.

On peut aussi apprendre à nous connecter à notre Adulte Sain, qui nous aidera à agir en lien avec nos valeurs. Mais comment serait cet Adulte Sain ? Il n'y a pas de modèles préétablis et figés, chacun de nous devrait explorer les caractéristiques de cette partie saine de soi selon ses vécus et son histoire de vie personnelle. Néanmoins, en général, certaines qualités semblent nécessaires pour nous permettre de vivre au mieux et de faire face aux moments compliqués.

Ainsi, un Adulte Sain devrait être conscient de ses émotions, de ses besoins et des différentes façons qu'il a de faire face aux situations. Il devrait également avoir une vision réaliste de soi, des autres et du monde, sans distorsions cognitives. Il devrait savoir réguler ses émotions, réfléchir avant de réagir, et avoir une réponse calme et affirmée face à n'importe quel élément déclencheur.

Un Adulte Sain devrait aussi avoir de l'autodiscipline et savoir prendre soin de lui-même, par exemple en mangeant correctement, en faisant de l'activité physique, en sachant se reposer et parfois ralentir. Enfin, il devrait construire des relations interpersonnelles saines, en ayant de la compassion envers les autres, mais, en premier, envers lui-même (Health et Startup, 2020).

Le concept de « compassion » est particulièrement intéressant dans cette perspective. La compassion, identifiée par plusieurs approches thérapeutiques (tels que l'Inner Family System Therapy - Schwartz et Sweezy, 2019 ; la Compassion Focused Therapy - Gilbert, 2009 ; et la Schema Therapy) comme une composante fondamentale du bien être mental, qui peut être définie comme la conscience de sa propre souffrance et de celle d'autrui, associée à la motivation et à l'intention bienveillante d'en prendre soin. Elle naît de l'idée que si notre souffrance est là, cela ne dépend pas de nous, ce n'est pas de notre faute, et qu'on peut apprendre petit à petit à être plus bienveillant avec nous-même, à accepter ce qu'il s'est passé, nos erreurs et ceux des autres et à aller de l'avant, conscient qu'on a les ressources et les moyens pour le faire (Gilbert, 2009).

Et alors, pour revenir à l'exemple de tout à l'heure, au lieu de me mettre en colère contre mon copain pour son retard et de ne pas me sentir aimée, vue et considérée, parce que mon histoire de vie m'a appris cela, je pourrais être bienveillante avec moi-même, me connecter à ma tristesse et me parler de façon rassurante et apaisante. Je pourrais ainsi me dire que ce n'est pas de ma faute si j'ai vécu certaines expériences dans ma vie, que j'ai fait de mon mieux à l'époque et que maintenant j'ai des nouveaux moyens de m'occuper de moi et de mes ressentis.

Je pourrais, à travers la focalisation sur l'instant présent, apprendre à me connecter à mes besoins, en les validant, même si personne ne l'a fait avant moi, pour ensuite arriver à les exprimer ou à les satisfaire au mieux.

Et c'est ainsi que l'étiquette de "trouble de la personnalité borderline" ou l'étiquette donnée à d'autres troubles ne sera plus si figée et que cette souffrance pourra, petit à petit, s'estomper. Rien n'est figé dans la vie, il suffit d'être conscient d'où on arrive et de ce qu'on peut faire pour redonner à notre parcours la direction souhaitée.

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Écrit par

Valentina Galetto

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Bibliographie

  • Gilbert, P. (2009). Introducing compassion-focused therapy. Advances in psychiatric treatment, 15(3), 199-208.
  • Heath, G., & Startup, H. (Eds.). (2020). Creative methods in Schema therapy: advances and innovation in clinical practice. Routledge.
  • Kramer U., Ragama, E. (2015). « La psychothérapie centrée sur les émotions » Elsevier- Masson Ed.
  • Schwartz, R. C., & Sweezy, M. (2019). Internal family systems therapy. Guilford Publications.
  • Young, J. E., Klosko, J. S., & Weishaar, M. E. (2003). Schema therapy: A practitioner′ s guide: New York: Guilford Publication.

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Commentaires 1
  • Nathalie FOLLMANN

    L'auteure mélange la thérapie des Etats du Moi avec le trouble de personnalité Borderline, ce sont deux choses bien différentes. Il est important de savoir différencier ce qu'est un trouble de la personnalité et comment le traiter ainsi que la thérapie des Etats du Moi. Il s'avère préjudiciable pour le lecteur de faire ce type d'association. Le trouble de la personnalité Borderline ou Etats Limites est bien défini par le DSM5. Quant aux distorsions cognitives, cette approche est utilisée dans la TCC. Donc rien à avoir avec le trouble Borderline. Cet article me parait très confus pour le lecteur et fait un amalgame de ces différentes troubles et pathologies.

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