Boulimie, anorexie, hyperphagie : le lien entre la mère et les troubles alimentaires

Les individus qui souffrent de troubles alimentaires tentent de combler un vide : solitude, manque de confiance en soi, perfectionnisme…

1 AVRIL 2019 · Lecture : min.
Boulimie, anorexie, hyperphagie : le lien entre la mère et les troubles alimentaires

Les individus qui souffrent de troubles alimentaires tentent de combler un vide : solitude, manque de confiance en soi, perfectionnisme… Mais si la cause réelle de ces troubles remontait à une origine bien plus lointaine ? Celle de notre relation à notre mère au cours de notre petite enfance ?

Qu’est-ce que les troubles alimentaires ?

Rappelons en quelques lignes quels sont les principaux troubles alimentaires et leur fonctionnement : 

  • L’anorexie, c’est le désir pathologique de ne pas grossir. On observe deux types d’anorexie : l’anorexie dite « classique » avec un refus catégorique de s’alimenter, et l’anorexie-boulimie lorsque les crises alimentaires sont suivies de purges (laxatifs, vomissements…)
  • La boulimie, qui est caractérisée par des pulsions absolument incontrôlables d’absorption d’aliments en grandes quantités. Dans le cas où les crises ne sont pas suivies de purges, on parle alors d’hyperphagie.

Il existe des dizaines d’autres troubles alimentaires : pica (consommation de choses qui ne sont pas des aliments), trouble de rumination (régurgitation d’aliments après les avoir ingérés soit pour les cracher soit pour les ravaler), orthorexie (obsession de manger de la nourriture saine)…

On observe chez les sujets souffrant de troubles alimentaires les mêmes caractéristiques : un désir de minceur obsessionnel, une déception du corps et ce, quel que soit le résultat affiché sur la balance, un manque d’estime de soi et un grand vide affectif.

La crise boulimique se divise en 3 parties distinctes :

  • La pré-crise : où le besoin obsessionnel de manger augmente de minute en minute jusqu’au passage à l’acte. Toute lutte est alors vaine, on pourrait comparer cela à l’attitude d’un toxicomane qui saurait que ses placards sont remplis d’héroïne, ou un alcoolique qui aurait sa maison pleine de bouteilles de sa boisson préférée et à qui on demanderait gentiment de ne pas y toucher parce que c’est mauvais pour sa santé.
  • L’accès boulimique avec une ingestion rapide de quantités astronomiques de calories. Le but n’est pas ici de savourer mais bien de se remplir. Le seuil d’angoisse diminue alors avec le passage à l’acte.
  • L’après-crise : qui s’accompagne de culpabilité, de dégoût de sa personne, du retour en force de la mauvaise estime de soi, de honte, de promesses éphémères de ne jamais plus recommencer.

« Inutile de parler de ma mère. », « Alors… parlons-en justement ! »

De nombreux sujets atteints de troubles alimentaires passent la porte des cabinets de psychologie ou de psychothérapie en formulant cette phrase lourde de sens « Inutile de parler de ma mère, tout va très bien de ce côté-là. ». Voilà, voilà.

Les gens ont rarement conscience que tout peut venir de cette relation mère-enfant (très généralement mère-fille), et s’ils le soupçonnent, ils le nient, par amour pour cette mère, par loyauté. Parce que tout de même, on lui en a fait suffisamment baver à l’adolescence, et sans doute un peu après encore, on ne voudrait pas en plus l’accuser de tous nos malheurs !

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Soyons bien clairs, il ne s’agit pas de mettre les mères sur la place publique et de les lapider. La plupart d’entre elles ont fait du mieux qu’elles ont pu avec les moyens du bord, le plus souvent elles ont agi en reflet à leur propre éducation, à des époques où on faisait bien peu de cas de l’enfant et de la psychologie. Non, ne blâmons pas trop sévèrement nos mères. Le but est plutôt de comprendre ce qui s’est passé et surtout comment les choses ont été perçues par l’enfant que le patient était à l’époque, car nous ne le rappellerons jamais assez : tout n’est que perception, il y a un fossé immense entre la façon dont les choses sont dites, faites, et la manière dont elles sont perçues par l’autre.

Dis-moi comment tu manges, je te dirai comment était ta relation avec ta mère !

Chez les patients souffrant de troubles alimentaires, la relation à leur mère a subi une faille, qu’elle soit réelle ou fantasmée, peu importe, elle a été vécue comme une cassure.

Le sujet atteint de boulimie voit en sa mère une espèce d’ogresse, capable de dévorer son enfant, d’envahir son espace vital, de l’étouffer, et la meilleure réponse que « l’enfant » devenu adolescent ou adulte trouve à donner à cette mère, c’est de l’engloutir à son tour. La nourriture devient une métaphore de la mère.

Et je vous entends d’ici dire que c’est tiré par les cheveux, que les psys devraient eux-mêmes consulter pour envisager des choses pareilles, non mais franchement ! Pas tant que cela, car si nous y réfléchissons bien : quel est le premier lien qui nous unit à notre mère ? Par quoi se crée cet attachement unique qui nous liera à elle pour toujours, dans un langage qu’elle seule peut déchiffrer sans même que bébé ne sache encore s’exprimer ? C’est la nourriture justement.

Avant même la naissance, le fœtus, bien à l’abri au creux de sa mère est nourri par elle dans un échange direct. À la naissance, l’échange continue, que ce soit par le biais du sein maternel ou du biberon donné contre ce corps chaud et rassurant. Le patient souffrant de boulimie associe donc encore cette nourriture à sa mère, et soit il veut la garder en lui, par amour, parce qu’il ne parvient pas à se détacher d’elle (c’est l’hyperphagie), soit il préfère la rejeter et tenter ainsi de s’en débarrasser, en se faisant vomir par exemple (c’est l’anorexie-boulimie).

Le sujet souffrant d’anorexie n’échappe pas à cette relation maternelle défaillante. Là encore, le cordon ombilical n’a pas été coupé, ou alors pas complètement. Ces jeunes femmes (une fois n’est pas coutume) rejettent ce corps de femmes sexuées parce qu’il leur renvoie l’image de leur mère. Elles ne supportent plus cette dépendance à cette dernière, qui les étouffe, les empêche d’être elles-mêmes. Et pour s’en détacher, elles refusent de s’alimenter, parce que, comme on l’a vu ci-dessus, celle qui donne le sein ou le biberon, c'est la mère. En refusant ce qu’elle nous donne, on la rejette elle. S’en prendre à son propre corps, c’est aussi s’en prendre à celui de sa mère.

D’autres jeunes femmes ont eu des mères trop strictes, trop sévères, trop exigeantes qui leur ont donné l’impression -à tort ou à raison- qu’elles devaient atteindre la perfection pour les satisfaire. Et la perfection passe par le corps, on en veut toujours plus, et c’est l’escalade, jusqu’à en devenir évanescentes.

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La mère est-elle toujours responsable de tout ?

Bien entendu, il serait réducteur d’accuser les mères de tous les troubles alimentaires. Rendons à César ce qui appartient à César. D’autres causes peuvent en être à l’origine :

  • agressions sexuelles ;
  • anomalies au niveau des neurotransmetteurs (voir à ce sujet le Groupe de recherche sur les troubles de l’alimentation) ;
  • facteurs génétiques…

On ne rappellera jamais assez que les troubles alimentaires sont des maladies, les conséquences peuvent être lourdes, voire mortelles, mais on peut en guérir.  Elles requièrent pour cela l’aide d’un.e professionnel.le.

  • Vous pouvez en un premier temps en parler à votre médecin traitant qui saura vous orienter ;
  • L’association Endat propose une permanence téléphonique et une prise en charge pluridisciplinaire ;
  • L’AFDAS-TCA : Association Française pour le Développement des Approches Spécialisées des Troubles du Comportement Alimentaire ;
  • L’Association Boulimie Anorexie.

Quelles qu’en soient les causes, les troubles alimentaires ne sont pas une fatalité, on peut s’en sortir, avec une bonne dose de patience, et un encadrement pluridisciplinaire (somatique, psychiatrique, et psychologique ou psychothérapeutique), afin que manger redevienne un plaisir et non plus une source d’angoisse et de culpabilité.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Vardis Christelle

Psychopraticienne et hypnothérapeute certifiée, je propose des psychothérapies analytiques, « par la parole », en face à face. Avec la plus grande bienveillance possible et sans aucun jugement, j'apporte mon aide pour permettre à mes patients de mieux se comprendre afin d’avancer, de sortir de ce qui leur semble être une impasse et d’améliorer leur bien-être.

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Commentaires 27
  • Descamps

    Quel honte de lire ce genre d’article! Merci Edwige Bardin pour vos mots qui résument bien ma pensée, je vous rejoins complètement. Comment peut on se laisser aller au point de publier ce genre d’âneries?

  • edwige.bardin@gmail.com

    C'est dommage qu'au 21ème siècle il ait autant de professionnels de la santé psychologique encore incapables de dépasser toutes ces thèses freudiennes sexistes... N'avez vous jamais entendu parler de paternité ? La grande majorité des enfants d'aujourd'hui sont émotionnellement attachés à leurs deux parents et ne ressente pas cette "fusion" absurde et animale avec la mère quand le père ne serait qu'un inconnu, donc par principe irresponsable en cas de problème... Les deséquilibres affectifs quand il y en a peuvent survenir dans les deux sens. Quand à l'histoire du biberon mon dieu... C'est vraiment triste de voir qu'il existe des femmes aujourd'hui qui non contentes d'assumer seule leur parentalité ignorent qu'il n'en va pas de même pour toutes les autres au point d'en faire une généralité... L'écrasante majorité des hommes nés depuis les années 60 ont déjà tenu le biberon ou fait à manger a leurs enfants... Il serait grand temps de se mettre à la page !

  • Kishedo

    Merci Mme Vardis pour cet article riche de précisions, d'éclairages et de bienveillance. Oui le sujet est long à débattre, et vous l'abordez très bien avec simplicité dans la lecture. Bravo ! Gwladys Psychopraticienne,

  • Loren459

    Ah les interprétations psychanalytiques et leur interprétation autour de la mère nourricière... Peut-être? ou pas ! La grande question est plutôt quel est le lien avec le/les parents quel que soi(en)t leur sexe : il faudrait peut-être commencer à penser famille 20ème (21ème pour les plus jeunes) siècle: la famille n'est plus comme elle l'était pour Freud (Famille 19ème...) et puis Freud a vécu... et ses problèmes aussi, comme ses interprétations qui ne reflètent que lui et ses propres troubles ! (Personnellement je n'ai jamais été attiré par ma mère! et vous ? ;-P )

  • loutre

    Bizarrement moi c’est l’inverse, je fais de l’hyperphagie alors que je rejete ma mère et veut me détacher d’elle, comment expliquer ça svp ? merci

  • Fab

    Et les pères ? Ne donnent t ils pas le biberon ? N'éduquent t ils pas leurs filles. Ne sont t ils pas fusionnels même parfois avec elles ?

  • Annette

    C’est exactement le lien que je suis en train de dénouer avec mon psychothérapeute depuis quelques semaines. Merci pour cet article d’éclairage :)

  • Anna

    Bonjour Ma fille souffre de troubles alimentaires, ce n est ni de la boulimie, ni de l anorexie mais la peur de vomir . Avez vous des choses à m apprendre sur ce sujet? Bien cordialement

  • Pheri

    Merci pour cet article très intéressant et sans jugement

  • manou

    bonjour, articles super intéressant car je suis hyperphage et jai toujours ressenti que ca venais de ma mere, de vouloir me nourrir absolument pour que je sois bien et son inquiétude des que je ne voulais pas manger au point ou je mangeais meme si je navais pas faim et le liens entre amour et nourriture c'est fait; difficile a présent de s'en débarrasser mais on a tous a un travaille a faire avec nos blessures


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