Comment dépasser son hypersensibilité grâce à l'humour ?

Protester si l'on vous offense est normal et, si l'interlocuteur se plaint que vous exagérez ou que le sens de l'humour vous fait défaut, il est lui-même quelque peu suspect de vouloir ajouter l'ironie.

6 AVRIL 2023 · Lecture : min.
Comment dépasser son hypersensibilité grâce à l'humour ?

Protester si l'on vous offense est normal et, si l'interlocuteur se plaint que vous exagérez ou que le sens de l'humour vous fait défaut, il est lui-même quelque peu suspect de vouloir ajouter l'ironie à la provocation et de chercher à manipuler ainsi encore mieux le processus. Dans l'univers familial, les cadets apprennent vite à répondre à ce petit jeu, même s'il en coûte au début. L'humour en revanche va rétablir l'estime de soi de celui qui se sent offensé car il n'est alors plus une victime dépendante de l'autre mais un sujet en position de maitrise sur la situation.

L'humour constitue un paradigme de la sublimation beaucoup plus qu'un mécanisme de défense. Tout au contraire, on expose à l'humour les parties de soi-même les plus cachées et les plus fragiles. Parce que nous reconnaissons partager une identité, des travers, voire des ridicules avec cette image de nous qui est moquée, notre rire nous dévoile à nous même aussi est-il parfois un peu jaune.

La bonne distance à l'autre

L'état de narcissisme primaire du nouveau-né ne lui permet pas de distinguer sa mère comme distincte de lui et elle est perçue comme un prolongement de lui-même. Une mère « suffisamment bonne », prodiguant de bons soins à son nourrisson, lui permet de vivre dans l'illusion de « toute-puissance».

Cet état primitif où réalité interne et réalité externe ne sont pas encore clairement distincts fonde un espace environnant le bébé qui n'est ni la réalité, ni sa représentation interne, mais un peu des deux. À ce stade, le nourrisson ne peut accepter que les objets qu'il crée c'est-à-dire qui correspondent à ses besoins.

Aussi les autres empiètent -ils sur un lui-même cours de constitution parce que l'objet et la zone corporelle qui le perçoit sont confondus. Le nourrisson est entièrement dépendant de la mère ou de la personne qui la remplace pour ses besoins mais aussi pour avoir le sentiment d'exister. Le changement est donc la découverte du « non-moi » c'est-à-dire la reconnaissance de l'extériorité et de l'indépendance de l'objet complémentaire.

Tout sujet a appris que l'autre privilégié peut se trouver subitement manquant alors qu'il avait occupé pendant tout un temps la place fusionnelle qui est celle de la mère des premiers temps de la vie. Lorsque le seul interlocuteur est l'image interne douloureusement investie d'un autre disparu, cela ne permet pas que d'autres personnages puissent entrer.

La défense par l'humour

Pour Freud l' humour se présente comme protecteur et consolateur. "Seule notre enfance, écrit-il, connut des affects, alors fort pénibles dont, adultes, nous sourions aujourd'hui tout comme l'adulte, en tant qu'humoriste, rit de ces affects pénibles de l'heure présente." ( Le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient , 1905 d).

La défense par l'humour

Si l'adulte peut mépriser ce qui lui arrive en se projetant dans un temps futur où toutes ses souffrances actuelles n'auront pas plus de sens pour lui que n'en ont actuellement les petits ou grands chagrins de son enfance, c'est néanmoins à une toute puissance de type infantile que nous ramène l'humoriste.

L'humour va permettre de transporter les objets perdus à l'intérieur du Moi, car c'est celui-ci qui se trouve alors menacé. Le sujet, blessé dans son narcissisme et humilié par ses échecs, abandonne ce Moi auquel il confiait tous ses espoirs et le décrète naïf, comme le serait un enfant. Il s'en écarte, le regarde comme un objet comique et s'identifie à celui qui rit de cette partie récusée de lui-même.

Le triomphe par l'humour

L'humour n'a cependant rien de naturel, il est opposé au mouvement narcissique spontané qui conduit au dépit, à la colère ou à la souffrance. De la même manière que le lézard qu'on attrape n'hésite pas à abandonner un morceau de son anatomie pour garder le reste libre et intact, l'humoriste sacrifie son Moi en le ramenant aux dimensions d'un Moi infantile et en se hissant lui-même au niveau de sa propre instance idéale.

Rire c'est d'abord se moquer du « ridicule », le sien et celui d'autrui. Savoir rire et faire rire de soi est une position inexpugnable puisque l'humoriste enlève toute prise à la dénonciation du ridicule étant donné qu'il s'en est servi en premier. De plus, l'humoriste ne fait rire de lui que pour autant qu'il utilise sa propre personne pour dénoncer des situations dans lesquelles il n'est plus. Le pas de côté que constitue le rire permet de s'abstraire tant sur le plan moral que métaphysique, il est donc philosophique par essence.

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Écrit par

Sophie de Mijolla-Mellor

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Bibliographie

  • Mijolla-Mellor, S. (2019).  « La paranoïa » Que Sais-je ? PUF
  • Mijolla-Mellor, S. (2008). « La sublimation », Que Sais-je ? PUF

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Commentaires 1
  • Nelie

    Mon fils, adolescent, il arrive facilement à faire rire. C'est un enfant hypersensible, petit il pleure en entendant une chanson même qu'il ne connait pas le sens (langue étrangère) mais seulement la mélodie lui fait fondre, il ne supporte pas le bruit, aime être seul parfois. À son âge maintenant, il semble très mature par rapport aux autres enfants de son âge.

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