HPI, vous avez votre place en entreprise : assumez d’être un zèbre !

Les Hauts Potentiels Intellectuels cachent souvent à leur hiérarchie leur spécificité. Et pourtant ils peuvent être des recrues de choix ! Comment je le sais ? Je suis moi-même HPI.

1 SEPT. 2022 · Lecture : min.
Haut potentiel intellectuel

À quoi nous reconnait-on ? Avant tout, commençons par une brève définition de l'étiquette « Haut Potentiel Intellectuel ».

Une intelligence différente…

Au cours des dernières décennies, on nous a appelés surdoués, précoces et maintenant haut potentiel. Des étiquettes aux connotations potentiellement trompeuses.

Malgré les apparences de tout ce vocable, les HPI ne sont pas quantitativement plus intelligents que la moyenne. En revanche ils ont une intelligence qualitativement différente : elle fonctionne en arborescence plutôt qu'en succession linéaire. Il faut ajouter à cette spécificité une hyper activité cérébrale. Conclusion : « leur pensée se déploie en arborescence à grande vitesse. Sans interruption. Sans hiérarchie des données perçues simultanément par l'ensemble des sens. »1

A dire vrai, entre nous, nous disons volontiers « zèbres », un terme popularisé par la psychologue Jeanne Siaud-Facchin. Pourquoi ? Parce que tout comme il n'existe pas deux zèbres avec les mêmes rayures, vous ne trouverez pas deux HPI qui vivent leur différence de la même façon.

…et une sensibilité accrue

Cette façon de traiter les informations de manière arborescente, plutôt que séquentielle, a également une conséquence au niveau émotionnel. L'intégration simultanée de toutes les données sensorielles et cognitives provoque souvent un décalage entre ce que nous percevons et ce que nous ressentons. Faute d'avoir le temps d'établir le lien entre information et émotion, celle-ci se manifeste de manière intense et soudaine !

Certains s'en protègent en tenant les autres à distance. D'autres réagissent de manière socialement décalée. D'autres encore développent un sens de l'humour et de l'auto-dérision. Dans tous les cas cette hypersensibilité nous accompagne toute notre vie.

Pas toujours évident à gérer dans le cadre professionnel, donc. D'autant moins dans un monde du travail où, traditionnellement, on nous incite à « laisser ses émotions à la porte ».

Notre réalité dans les entreprises ?

Officiellement – tel qu'on en parle communément aujourd'hui en France – pour être qualifié de HPI, il faut disposer d'un test de Q.I. avec un score supérieur à 130 (sur l'échelle de Wechsler, il en existe différentes). Cela ne représente que 2% de la population.

Les personnes dîtes H.Q.I (Haut Quotient Intellectuel) ont un Q.I. supérieur à 130 sur l'échelle de Weschler, ils constituent 2 % de la population. Les T.H.Q.I (Très Haut Quotient Intellectuel) quant à eux sont autour de 0,1 %. Les personnages de fiction que vous croisez à la TV comme Sherlock où l'héroïne de la série « HPI » appartiennent à cette frange.

On parle donc d'une minorité de personnes à l'intelligence avérée ET qui réfléchissent et appréhendent la réalité d'une manière différente, systémique plutôt que linéaire.

Le diagnostic et l'étiquette qu'il pose tendent donc à ne pas prendre en compte, d'une part les personnes brillantes dont l'intelligence linéaire ne crée pas de décalage (et n'ont donc pas de raison de chercher un diagnostic !), et d'autre part les personnes dont le score au test de Q.I. ne les range pas dans la case supérieure, même si leur schéma mental est bel et bien arborescent.

Il s'agit toujours d'une minorité mais plus présente qu'on pourrait le croire en entreprise. Et c'est bien de cette différence cognitive que nait tout le défi et aussi tout l'intérêt !

Comment savoir si vous êtes concerné ?

Si le travail linéaire du type A donne B qui donne C vous met en difficulté malgré des compétences et aptitudes avérées, vous pouvez commencer à vous poser la question. D'ailleurs, comme le système scolaire est basé sur une acquisition et une restitution linéaires des savoirs, nombre de HPI s'y trouvent en échec en dépit de leur intelligence.

Si, en plus, vous percevez intuitivement les liens logiques et abordez les problèmes de manière systémique, prenant en compte des aspects qui échappent à la linéarité, alors cela devient même probable. Je ne compte plus les fois où on m'a regardé avec des yeux ronds en me demandant comment je pouvais être arrivée à telle ou telle conclusion… et où j'aurais été moi-même bien en peine de l'expliquer ! Bien sûr, ce fonctionnement est un atout immense lorsqu'il s'agit d'innover ou de résoudre des problèmes de manière créative !

Évidemment, vous n'en aurez pas le cœur net sans un test de Q.I. et un diagnostic professionnel, auquel tout le monde n'a pas forcément envie de se soumettre. Cependant, outre les deux « indices » ci-dessus, voici quelques traits de caractère qui pourraient vous mettre la puce à l'oreille lorsqu'ils se cumulent chez la même personne :

  • Hypersensibilité
  • Comportement excessif (tout ou rien, pas de modération)
  • Grande curiosité
  • Imagination débordante
  • Sens aigu de la justice
  • Grande persévérance
  • Très bonne mémoire
  • Rapidité d'apprentissage

Comment s'épanouir dans le monde du travail ?

  • Les missions à ne plus accepter

Le plus grand danger du HPI en entreprise, comme à l'école avant cela, c'est l'ennui. Et qui dit ennui dit démotivation, décrochage et « travail bâclé ».

Si le poste comporte par nécessité beaucoup de tâches répétitives et des processus rigides récurrents, il n'est pas adapté à un HPI.

Par ailleurs, le HPI peut aussi rencontrer des difficultés pour expliquer certains raisonnements qui lui semblent évident. Comme les liens se forment de manière spontanée et simultanée dans son esprit, il ne peut pas décrire de manière chronologique un cheminement mental simple (linéaire donc), car il a atteint sa conclusion à partir d'un amalgame de chemins de traverse parcourus en parallèle.

En conséquence, si le poste requiert en permanence la justification de ses choix à un supérieur hiérarchique, cela peut s'avérer extrêmement problématique. Les HPI supportent très mal un style de management autoritaire.

  • Ne vous cachez plus et recherchez l'autonomie. Faites confiance pour attirer la confiance.

À ce stade, vous pourriez vous dire que si les HPI s'ennuient et se démotivent facilement et qu'ils ont, en plus, tendance à l'insubordination, votre potentiel peut surtout être perçu comme un empêcheur de tourner en rond par vos collègues et managers !

Pourtant, il est tout à fait possible de permettre à une personne HPI d'exploiter son plein potentiel intellectuel dans l'exercice de ses fonctions.

Pour cela, recherchez les missions qui vous accorderont un fort degré d'autonomie et de confiance. Les zèbres fonctionnent souvent « à l'instinct » – ou en tout cas en donnent l'impression par leur incapacité à expliquer de manière linéaire leur raisonnement. Reconnaître et valoriser cette spécificité est le prérequis impératif à un travail en bonne intelligence. Ainsi le manager idéal d'une personne HPI adopte un rôle de soutien plutôt que d'autorité.

Dans ces conditions, vous pourrez prendre en charge des problématiques complexes que votre schéma mental décalé permettra de résoudre de manière originale, voire d'apporter une solution globale répondant à plusieurs enjeux à la fois.

N'hésitez pas à accepter une position transversale, un poste à responsabilités et des missions qui nécessitent de percevoir et synthétiser le point de vue de chacun des différents interlocuteurs. Vous y trouverez plus de sens, vous sentirez plus à votre aise et pourrez donc proposer des solutions adaptées.

Afin de maintenir une stimulation intellectuelle constante, n'hésitez pas à demander des nouveaux défis à relever, voire quand c'est possible à changer de poste.

J'ai notamment souvenir d'une zèbre de mes équipes dont on a fait évoluer le poste 7 fois en 8 ans ! Là où d'autres auraient trouvé le manque de constance déstabilisant, elle était toujours ravie de se voir proposer de nouveaux champs d'apprentissages. De fait, ses dernières fonctions n'avaient plus grand chose à voir avec les qualifications initiales pour lesquelles elle avait été recrutée. Et pour l'anecdote, à son embauche à la suite d'une candidature spontanée, son profil était déjà si versatile qu'il avait retenu l'attention de deux chefs de service complètement différents.

  • Assumez vos rayures et revendiquez votre différence !

Je suis convaincue que les HPI, bien qu'un vrai challenge pour leurs managers, collègues et associés, sont de véritables atouts dans une entreprise.

Alors, bien sûr, en tant que zèbre moi-même, j'ai un parti pris.

Si je prends mon exemple, cette différence cognitive a toujours été un plus professionnellement. J'ai pu apprendre sur le tas les compétences requises pour créer, gérer et développer une société sans avoir suivi de formation. Puis, en tant que manager général, j'ai pu entendre une problématique lors d'une réunion, en faire le tour en direct et mesurer immédiatement ses conséquences sur les autres services afin de proposer une solution avant la fin de notre rendez-vous. Mes cadres trouvaient ça plutôt pratique ! Quant à mon hypersensibilité, elle m'a permis de manager par l'empathie et l'écoute, bien avant de m'y intéresser en tant que coach.

Et aujourd'hui, dans ma pratique, mes clients me rapportent régulièrement que mon questionnement leur permet d'établir des liens entre des informations ou des situations auxquels ils n'auraient jamais abouti seuls. D'ailleurs, si je suis en train de me spécialiser en approche systémique, c'est bien parce qu'il s'agit d'une façon d'aborder la communication et la relation en totale adéquation avec mon mode de pensée.

Par ailleurs, c'est probablement mon biais de zèbre qui m'a poussé au fil des années à recruter et à collaborer avec autant d'autres HPI. Ce qui me permet d'en parler en connaissance de cause !

Je sais qu'être un HPI en entreprise et trouver sa place n'est pas forcément évident. Pourtant, je suis convaincue que les actions à mettre en place pour utiliser notre potentiel bénéficient à tous dans la structure, ainsi qu'au projet. Alors arrêtons de nous cacher, et permettons à nos entreprises de changer pour plus d'autonomie et de confiance.

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Écrit par

Barbara Liano

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Bibliographie

  • 1 – Lettre AFEP Infos n°52 – Décembre 2010

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