Psychologie et poésie : une méthode pour guérir le bégaiement

Le bégaiement est un trouble de fluidité linguistique dans lequel le sujet ne parvient pas à parler sans trébucher sur des mots ni faire des pauses continues. Des personnes célèbrent tels que Marylin Monroe, Manzoni ou Woody Allen en ont souffert ou en souffrent.

À l'occasion d'une lecture de poésie organisée à Milan par le chercheur en psychologie Dr Roberto de Pas et en collaboration avec l'association MOMAMAMO Teatro, la question a été posée du lien entre psychologie, poésie, et de la façon de traiter le bégaiement.

Comment est née l'idée d'utiliser la poésie pour corriger des défauts linguistiques ?

La lecture publique de poésie fait partie du travail de l'acteur, voire de ses performances les plus délicates. Effectivement, tout est concentré dans la voix, la diction, et se fait généralement sur une scène sans décor. Le public n'a d'yeux que pour celui qui lit un poète qui, à ce moment-là, vit dans la voix de l'acteur.

Le bégaiement est un trouble du langage connu depuis toujours, bien que l'on ne connaisse pas exactement sa cause, ou plutôt qu'elle soit vivement discutée. Il s'agit probablement d'un problème entre la personne et sa communication, au sens le plus large. Le lien est à trouver entre la communication et ce qu'elle fait passer : une peur de s'exprimer, une non-autorisation à dire les choses par le sujet. Le bégaiement trouve sa source dans un conflit interne.

Il s'agit donc de réconcilier la personne avec sa communication, et de la libérer à travers une vision créative de l'expression, mais aussi de l'expressivité. Pour aller au-delà du bégaiement, il faut donc fusionner et réunir la communication quotidienne et pragmatique avec des besoins d'expression plus créatifs et personnels. Ceci doit être mis en place en complément d'une rééducation technique du langage passant par la prononciation, la fluidité, mais surtout par la respiration.

La respiration est le grand outil de l'acteur, et elle doit être travaillée. Les exercices respiratoires sont aussi thérapeutiques et ont un bienfait psychologique. En effet, ils sont libérateurs, et ce n'est d'ailleurs pas un hasard que la respiration soit au centre des techniques de relaxation : elle est la source d'une perception physique et psychologique de soi. La respiration est la pierre angulaire du langage verbal. En associant la rééducation technique de la langue au travail théâtral, on sollicite alors immédiatement la créativité du locuteur. Et ainsi, on évite de rester uniquement dans le côté technique, en s'approchant de tout ce qui touche à l'expression.

L'acteur doit donc faire un véritable travail de transfiguration : lorsqu'il endosse le rôle d'un personnage, ou d'un poète écrivant, il doit assumer son identité, s'éloigner de ses propres conflits et découvrir une liberté linguistique jusqu'alors inconnue. Il peut alors découvrir la force de son langage, efficace et compétent, et apprendre à lui faire confiance. Ainsi, il apprend petit à petit à se réconcilier avec sa propre communication. Du côté créatif, le sujet fait un exercice de langage et, dans cet exercice de son propre rôle théâtral ou poétique, il découvre ses propres potentialités linguistiques, ainsi que sa propre personne.

Pourquoi la poésie ? Quel est son pouvoir ?

La poésie et le théâtre sont des outils intéressants. La poésie, en particulier, a une grande capacité de synthèse : chaque poème est une histoire en soi, capable, souvent en quelques lignes, d'exprimer un univers personnel et des émotions spécifiques. Le poème stimule la réaction émotionnelle et intellectuelle du lecteur, pour faire ensuite de lui l'auteur de nouvelles voies, uniques et irremplaçables, car totalement personnelles. Le lecteur interprète la poésie, la fait devenir sienne. À travers ce poème et la façon dont il décide de le lire, à travers les explications qu'il donne sur les raisons pour lesquelles il veut le lire d'une façon ou d'une autre, il exprime son propre monde.

Communiquer est un acte verbal, mais ce n'est pas uniquement un exercice phonétique : il s'agit aussi d'une communication de soi. Ce qui, dans le cas du bégaiement, n'est pas un petit geste. Ainsi, un test de personnalité psychologique donnera moins d'informations sur la personne que ce qu'elle décidera de dire par la poésie.

Par exemple, un adolescent de 11 ans qui lirait les premières lignes de la "Divine Comédie" verrait peut-être cela au début comme un exercice de lecture et de mémorisation de la phonétique, puis cela créerait petit à petit chez lui le charme du vrai jeu, celui où l'attention à la prononciation et à la respiration devient secondaire par rapport au contenu à exprimer. C'est exactement ce qui se passe et doit avoir lieu dans le langage : le contenu est véhiculé par la structure linguistique dont le lecteur n'a pas à s'occuper, car il ressent la communication comme un acte spontané et naturel. Lorsque nous parlons, nous agissons de la même façon que lorsque nous faisons du vélo : nous restons en équilibre sans penser consciemment à ce que nous devons faire pour le rester. Nous nous concentrons sur l'objectif à atteindre, et pas sur la façon d'éviter de tomber.

Que les patients ont-ils pensé de cette expérience ?

Tous les patients du Dr Roberto de Pas ont abordé cette expérience avec beaucoup d'enthousiasme et de passion, avec l'envie de créer de belles collaborations dans le groupe. Ils ont ainsi pu tirer profit de la communication verbale comme non-verbale. Évidemment, certains n'ont pas accepté de participer à l'expérience, souvent en raison d'une grande anxiété, et le refus a été accepté par le thérapeute.

Quelles techniques ont été utilisées dans cette expérience ?

Ce sont les techniques de l'acteur qui sont utilisées, mais une première partie est consacrée à la respiration, au langage corporel, à la dynamique interpersonnelle, à l'identification (c'est-à-dire le travail de la personne sur elle-même, mais toujours au sein du groupe), mais aussi à des exercices de phonétique, aux improvisations. Après cela, le thérapeute oriente le travail vers les textes théâtraux et/ou poétiques. La personne recherche elle-même la trajectoire de l'acteur, la façon de rentrer dans le personnage, en général via une conversation de groupe.

Pour la lecture des poèmes, chacun choisit des textes dans le corpus proposé, et ces textes deviennent un outil unique d'expression de l'acteur. Bien sûr, des débats et conversations sont aussi maintenus sur les poèmes et poètes.

Quelle est la première étape pour traiter le bégaiement à l'âge adulte ?

Pour le Dr Roberto de Pas, la première étape est d'être motivé pour traiter le bégaiement. La raison ne doit pas être basée sur la question "mais on peut guérir du bégaiement?", mais plutôt compter sur la capacité et l'envie de faire des recherches sur soi, sur son discours et sa propre communication. L'envie d'aller vers la nouveauté doit prévaloir sur les anciennes habitudes qui, même si elles produisent le bégaiement, donnent paradoxalement à la personne la sécurité de la connaissance de soi et de sa vie.

Le Dr Roberto de Pas propose un travail sur soi, un travail du problème et non de la solution, qui vient d'elle-même car le problème est abordé en termes créatifs et constructifs. On ne peut pas répondre à la question "peut-on guérir du bégaiement?", car beaucoup s'en sont débarrassé, d'autres non. Un protocole unique n'existe pas, d'où la nécessité de la détermination et de l'intentionnalité de la personne, qui ira à la découverte de son discours par l'écoute d'audios et de vidéos, comme une première prise de conscience et de connaissance. La mécanique du langage sera alors vue comme un moyen, et non une fin en soi : la langue est le moyen de communication, c'est la vraie réalisation de soi.

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